«Je ne l’ai pas tué. Je suis innocent Monsieur le président».
Cette phrase est répétée tel un leitmotiv par le mis en cause. Le président de la chambre criminelle, premier degré, près la Cour d’appel de Fès en sait quelque chose. Nombreux sont ceux qui ont tenté de se disculper en répétant ce refrain. Rares sont les accusés qui avouent leur crime. L’accusé de ce jour-là est un homme, père de famille, nommé Abdelkhalek. Est-il réellement innocent ?
« Tu es accusé de coups et blessures ayant entraîné la mort de ton fils, Saïd. Qu’en dis-tu ? », lui rappelle le président de la Cour qui feuillete les pièces du procès-verbal. Abdelkhalek qui se fond en larmes comme un petit enfant a gardé le silence pendant quelques secondes avant de déclarer à la Cour qu’aucun père ne tue son fils.
« Je n’ai pas tué mon fils M. le président », répète-t-il les larmes aux yeux. Pourquoi est-il alors arrêté par la police ? Selon l’acte d’accusation, Saïd, la vingtaine, a été découvert pendu dans sa chambre. Ce jeune célibataire sans profession avait les pieds ligotés par une petite chaîne et le corps pendu par une corde attachée au plafond de la chambre. S’agit-il d’un suicide ?
« Oui », a affirmé le père aux enquêteurs. Mais comment est-il arrivé à accrocher la corde et se pendre avec les pieds ligotés ? C’est étrange. Les enquêteurs se sont adressés alors à la mère pour l’interroger. « Nous étions au champ, moi et mon mari, quand nous avons appris que mon fils s’est suicidé par pendaison. », a-t-elle répondu aux enquêteurs, l’air triste. Pourquoi s’est-il donné alors la mort ? Souffrait-il d’une maladie psychologique ou avait-il d’autres problèmes? Selon les témoignages des parents et des voisins, Saïd était un jeune homme souriant et jouissait d’une bonne réputation. "Il est tout à fait le contraire de ce que certains racontaient sur son compte", souligne son petit frère, âgé de huit ans. Ce dernier a donné une autre description de Saïd ; un jeune cruel, fumeur de cigarettes et de haschich.
Il se bagarre de temps en temps avec son père. Pire encore, il l’insulte s’il s’abstient à lui verser une somme d’argent. Ce témoignage a semé le doute.
Les enquêteurs ont ensuite interrogé le petit enfant sur les circonstances du suicide de son frère. «Il ne s’est pas suicidé. Il a été malmené par mon père», lance-t-il aux enquêteurs.
L’enfant a affirmé aux enquêteurs que son frère a réclamé une somme d’argent à son père qui a refusé de la lui donner.
Enervé, Saïd a commencé à insulter son père. Ce dernier perd son sang froid et pousse violemment son fils qui s’empare d’un couteau et menace son paternel. Le père armé d’un bâton lui assène deux coups à la tête. Saïd s’est évanoui. Il est décédé quelque seconde plus tard. Affolé, le père ne savait quoi faire devant une situation aussi terrible. Soutenu par son épouse, il a ligoté les pieds de son fils avec une chaîne. Il l’a attaché au plafond de la chambre pour faire croire à un suicide avant d’alerter les gendarmes. Ce témoignage accablant de l’enfant a choqué le père qui a continué à crier son innocence. «Il ment», crie, l’air résigné, le père devant le président de la Cour.
Seulement la Cour ne l’a pas cru parce qu’elle est convaincue que l’enfant dit la vérité. Le rapport de l’autopsie atteste en outre que la mort est survenue suite à des coups donnés sur la tête. Le père a été jugé coupable pour coups et blessures ayant entraîné la mort sans l’intention de la donner et a été condamné à dix ans de réclusion criminelle.