Douar Bladate, région de Tissa à Taounate. Durant plus d’une semaine, au cours du mois de février 2003, les pluies furent torrentielles dans ces terres. La journée du mercredi de la deuxième semaine du même mois, était plutôt ensoleillée. Il faisait beau ce jour-là. Pas question alors de rester cloîtré à la maison.
Abdellah.G, âgé de 63 ans, a décidé de se promener dans les champs pour respirer l’air frais.
L’air joyeux et serein, Abdellah se déplaçait d’un champ à l’autre. Épris de la nature, il marchait en chantonnant sans se rendre compte qu’il avait mis les pieds sur les terres du douar le plus proche du sien, à savoir douar Ouled Benhaddou.
«Eh, éloignes-toi de nos champs. Éloignes-toi espèce de…», lui lance Jamal, un jeune homme du douar voisin sur un ton menaçant.
Abdellah n’a pas prêté attention à ces menaces, préférant poursuivre sa promenade champêtre. «Tu n’entends pas ce que je te dis ou quoi espèce de…Éloignes-toi…».
L’homme est fou furieux. Il se dirige vers Abdellah. Ce dernier s’arrête.
Non pas parce qu’il a entendu les cris stridents et les injures de Jamal, mais pour tout à sa rêvasserie contempler l’horizon, Un moment plus tard, Jamal le pousse violemment. Le vieil homme est tombé. Sans défense, le pauvre homme est ensuite passé à tabac. Sans lui laisser le temps pour se relever, Jamal lui a donné un coup de pied sur la tête.
À peine relevé, il subit un autre coup de poing au visage puis un autre et un coup de bâton au niveau de son bras droit. Fracturé, Abdellah s’effondre en poussant un grand cri de douleur qui a déchiré l’air matinal.
L’agresseur abandonne l’homme et rebrousse chemin comme s’il ne s’était rien passé. Les voisins qui ont entendu les cris d’Abdellah ont accouru pour se porter à son secours. Ils ont avisé sa femme avant de téléphoner à la protection civile. Abdellah a été transporté d’urgence à l’hôpital Al Ghassani, à Fès, pour recevoir les soins nécessaires.
«C’est Jamal Ould Lakssime qui m’a battu et humilié», a révélé Abdellah à ses quatre enfants qui sont venus lui rendre visite à l’hôpital. Très en colère, Abdellah a poussé ses enfants à se venger. «Sinon, je vous renierai. Et oubliez que je suis votre père», leur a-t-il dit. Vendredi 10 février. Les quatre enfants d’Abdellah, accompagnés de quatre autres jeunes hommes, tous des repris de justice, ont pris le car à destination du douar de Taounate. Arrivés à Ouled Benhaddou, ils se lancent immédiatement à la recherche de Jamal. «Il est à la mosquée», leur explique l’un des habitants du douar. Les enfants de la victime se sont dépêchés vers le lieu indiqué guettant la sortie de Jamal. Ce dernier ne tardera pas à se manifester. Il était en compagnie de son père. Mais l’un des habitants les a déjà informés de la présence des fils d’Abdellah et de leur intention de vengeance. Après la prière du vendredi, Jamal et son père sont sortis en effet par la porte arrière de la mosquée. Après une attente d’une demi-heure environ, les fils d’Abdellah ont décidé de pénétrer à l’intérieur de la mosquée pour chercher les deux hommes. Ce qui a provoqué la colère des habitants.
Ces derniers ont encerclé rapidement quelques membres de la famille de Jamal qui sont restés à l’intérieur de la mosquée pour les protéger des quatre frères et de leurs acolytes. C’est ainsi qu’éclate dans un chahut indescriptible une bagarre violente à l’arme blanche. Alertés, les éléments de la gendarmerie royale, soutenus par la police et les forces auxiliaires, se sont dépêchés sur les lieux. Premier bilan : deux morts et trois blessés. Une opération de ratissage aura lieu dans les alentours. Ce qu’a permis l’arrestation d’une vingtaine de suspects. Les enfants d’Abdellah, qui ont pris la poudre d’escampette, ont été interpellés plus tard.