Tenant compte de la nouvelle flambée des prix du pétrole qui ont atteint, lundi 29 août, 70 dollars le baril, quelles seront à votre avis les tendances au niveau national ? A quoi devrait-on s’attendre ?
Moulay Abdellah Alaoui : Avec seulement 6 millions de tonnes par an, le Maroc n’est pas un grand consommateur de pétrole. Notre consommation énergétique est des plus faibles au monde. Annuellement, elle ne dépasse guère les 400 kilos par tête d’habitant contre 800 kilos en Tunisie et plus d’une tonne en Algérie. Mais quand on considère toutes les charges supportées par l’Etat à travers la Caisse de compensation, et qui sont de 5,3 DHS pour le litre du super, de 2,55 DHSpour le gasoil et de 373 DHS sur la tonne de fuel industriel, je dirais que mécaniquement, l’Etat sera encore contraint à répercuter la nouvelle hausse. Elle serait très probablement de 50 centimes le litre.
Deux réunions sont prévues pour en discuter. La première réunira dès le 1er septembre la Fédération et le ministère de l’Energie. La seconde, formée d’une commission interministérielle, regroupera les ministères des Finances, des Affaires générales, de l’Energie et peut-être aussi l’Intérieur et présidée par le Premier ministre, aura lieu le 5 septembre.
Existe-t-il des raisons spécifiques à cette nouvelle hausse ?
Les raisons sont les mêmes et elles ne sont autres que l’introduction de la Chine qui, avec l’Inde, constitue un véritable énergétivore. Une entrée doublée du souci américain de préserver ses stocks et qui est conjuguée à l’outil de raffinage, actuellement en souffrance, qui reste inadapté à la demande. Ce qui est sûr, c’est que cette hausse est moins un fait conjoncturel qu’une flambée à inscrire dans la durée.
Sachant qu’un grand écart a été enregistré entre les prix du pétrole cette année et les prévisions faites lors de l’élaboration de la loi de Finances 2005, qui tablait sur un baril à 35 dollars, quelle serait à votre avis la moyenne à prévoir pour 2006 ?
Je pense que la moyenne qui sera prise en compte dans la loi de Finances de 2006 sera de 55 dollars le baril. Je tiens à préciser que nous avons, déjà en 2004, tiré la sonnette d’alarme quant aux prévisions faites pour la loi de Finances de 2005. Nous avions dès lors dit que l’ère du pétrole bon marché était dépassée. Maintenant, ce qui importe c’est que nous parvenions à réguler les dépenses de l’Etat de manière globale. L’Etat doit serrer la ceinture. Des mesures d’accompagnement sont également à mettre en place pour limiter durablement les incidences d’une telle hausse.
Qu’en est-il justement des alternatives à mettre en place pour contrer une hausse qui va crescendo des prix du pétrole ?
Je pense que la principale alternative possible est la diversification du bouquet énergétique national. La piste d’une énergie nucléaire comme palliatif à la fossile est à envisager sérieusement. Depuis le temps qu’on en parle au Maroc, cette question n’est toujours pas tranchée. Sachant qu’il faudrait 15 ans pour développer une telle énergie, il est urgent qu’une décision soit prise à cet égard.
L’éolien pourrait aussi substantiellement participer à l’effort de recherche d’économie. Sans oublier le gaz naturel, plus propre et moins cher. Il faut également agir sur des secteurs comme le transport. La notion de transport collectif, dont le rail devrait être le fer de lance, est à renforcer et moderniser. L’exemple français est des plus parlants en la matière. Il ne faut plus se contenter d’agir en pompier, mais d’agir sur le court, moyen et long termes en mettant en place des prospectives économiques pour développer une politique énergétique viable.
Quel rôle devrait jouer le consommateur dans cet effort global d’économie d’énergie ?
Je pense que les citoyens sont suffisamment sensibilisés quant à ce phénomène mondial qu’est la flambée des prix du pétrole. Les consommateurs devront suivre cette hausse tout en adaptant leur consommation de pétrole en fonction des prix. Mais là où cette flambée risque d’enregistrer le plus de dégâts, c’est dans des secteurs tels que l’industrie et l’agriculture dont la compétitivité est sérieusement compromise.
Pour les aider, les dispositifs ne manquent pas. Je pense notamment au ciblage des aides et l’octroi de subventions aux plus méritants. Avec une gestion rigoureuse et un effort d’assainissement, une telle démarche atteindra son objectif, celui de réduire le coût de la facture énergétique.