Les pistes se mêlent et s’entremêlent dans l’affaire des attentats terroristes de Madrid du jeudi 11mars. Ce qui rend complexe la tâche des enquêteurs.
Revendiquée par les brigades d’Abou Hafs Al Masri se réclamant de l’organisation Al Qaïda , cette attaque, qui a fait 201 morts et un millier de blessés, dégage un parfum intégriste avec l’interpellation de cinq suspects dont trois Marocains et deux indiens : Jamal Zougam, Mohamed Chaoui et Mohamed Bakkali ainsi que Vinay Kohly et Surech Kumar. L’enquête préliminaire menée par le juge de l’audience nationale devrait décider de leur inculpation ou non. Le suspect n°1 sur lequel pèsent de fortes présomptions est sans conteste Jamal Zougam. Celui qui aurait été aperçu par deux voyageurs dans un des trains de la mort de la banlieue madrilène vient de faire l’objet d’une demande d’extradition au Maroc. Encore des Marocains dans une opération terroriste. C’est le triste constat qui s’est imposé à tous entre colère et consternation. Au moment où le Royaume commence à engranger à l’étranger un capital confiance notable grâce à des réformes de fond comme celles de la Moudawana qui l’inscrivent de plain-pied dans la modernité, voilà qu’il se trouve embarqué à son corps défendant dans une affaire d’assassinat de masse dans un pays voisin et ami. Un tel carnage brouille forcément l’image du Maroc.
Ce qui s’est passé à Madrid pose de nouveau le problème de la communauté marocaine installée à l’étranger, notamment la catégorie de ceux, clandestins ou réguliers, qui ont fui la misère et le chômage chez eux dans l’espoir de trouver une situation professionnelle sous d’autres cieux, en Espagne ou en Italie, etc… Dépourvues de repères identitaires et d’encadrement social, ces personnes-là sont livrées à elles-mêmes dans le pays d’accueil où elles vivent en marge de la société. Le racisme aidant, elles succombent facilement aux sirènes de l’extrémisme en tombant entre les mains du premier imam illuminé venu, qui sait jouer sur la fibre du “Musulman méprisé, opprimé par l’occident impie“. En Espagne, le terreau de l’extrémisme est particulièrement favorable en raison de l’absence d’une politique d’intégration des étrangers contrairement à la France qui a très tôt placé cette politique au coeur de ses préoccupations nationales.
Les Zougam et autres Chaoui sont le symbole d’une certaine communauté marocaine à l’étranger qui n’a pas de projet personnel construit. Sans instruction, vivant de petits boulots, mal dans leur peau, ils voguent comme des électrons libres. Certains sont devenus des délinquants, d’autres des intégristes. Manipulés ou conscients, ils se transforment le moment venu en bombes humaines ou en poseurs de bombes.
Les attentats de Casablanca du 16 mai 2003 ont produit un effet dévastateur. Par leur violence, ils ont montré que le Maroc, jusque-là considéré comme un havre de paix et de stabilité, est travaillé en profondeur par les démons de l’extrémisme islamiste incarnés par la mouvance de la Salfia Jihadia.
À la faveur de cette tragédie nationale, le peuple marocain découvre l’existence de groupuscules terroristes aux sigles différents dont certains membres ont servi dans les années 80 dans la guerre d’Afghanistan. Des bataillons entiers de ses combattants au nom du Jihad contre l’occupant soviétique après leur passage dans des camps d’entraînement sont revenus ensuite par vagues successives au bercail pour instiller comme un poison leur idéologie obscurantiste dans les esprits de leurs concitoyens défavorisés et en mal d’instruction. Les kamikazes de Casablanca sont partis des bidonvilles de Sidi Moumen avec comme objectif de provoquer la révolution au Maroc.
La légion arabe d’Oussama Ben Laden est constituée de Marocains dont le doyen est Ahmed Rafiki, Alias Abou Houdaïfa et père de Abdelwahab Rafiki, qui ont écopé l’un et l’autre de lourdes peines de prison. C’est d’une internationale terroriste qu’il s’agit avec un label qui a pour nom Al Qaïda et comme héros Oussama Ben Laden. Un réseau aux ramifications complexes dans les pays arabes et occidentaux. Du Maroc à l’Arabie Saoudite en passant par les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Espagne… aucun pays n’est à l’abri de la menace terroriste qui fait peser une insécurité extrême sur le monde.
Certes, il faut mettre en place une coordination internationale exemplaire en matière de lutte-antiterroriste pour pouvoir neutraliser ces nouveaux barbares. Mais il faut aussi oeuvrer pour combattre le mal à la racine. Car les apprentis-terroristes de Ben Laden puisent leurs arguments dans les tueries quotidiennes perpétrées par les Israéliens contre les populations palestiniennes et maintenant dans les massacres des civils irakiens. Les Etats-Unis de Georges W. Bush par leur politique à la cowboy n’aident pas au combat de la violence terroriste comme ils le prétendent. Bien au contraire, ils sont en train de l’entretenir à petit feu.