ALM : Est-ce que l’AMDH suit de près la situation des immigrés subsahariens au Maroc ?
Abdelhamid Amine : Effectivement, l’AMDH essaie d’établir un suivi intense et régulier de ce dossier. Nous nous intéressons essentiellement aux conditions de vie de ces immigrés subsahariens et au comportement des autorités publiques à leur égard. A ce titre, je tiens à souligner que nous sommes parmi les rares organisations capables de relever ce défi et de défendre ces citoyens africains, conformément aux normes internationales des droits humains. Il est regrettable de constater que les autres associations ont une approche assez conditionnée par un climat de haine et de xénophobie entretenu d’ailleurs par certains médias, comme le journal “Achamal” qui a comparé le phénomène de l’immigration des Subsahariens à l’invasion des criquets noirs.
Justement, comment qualifiez-vous ce phénomène à l’AMDH ?
Nous sommes convaincus que ces personnes sont poussées à l’exode. Elles fuient des guerres, des atrocités et des conditions économiques et sociales lamentables et insupportables. Je pense sincèrement que l’objectif d’un immigré clandestin est beaucoup plus de fuir les conditions de vie dans son pays que de rejoindre l’Europe, qu’il considère d’ailleurs comme un Eldorado.
Quelles sont les mesures entreprises par votre association pour défendre ces immigrés clandestins ?
La défense de ces immigrés clandestins est considérée comme un devoir par les membres de l’AMDH. Le Maroc avec toutes ses composantes, c’est-à-dire l’Etat et la société civile, doivent respecter les droits de ces immigrés, car il s’agit d’êtres humains avant tout. Nous devons également leur accorder une libre circulation sur notre territoire et non pas les encercler dans une forêt ou les mettre dans un centre. Enfin, le Maroc doit considérer qu’il est de son devoir de permettre aux immigrés subsahariens de vivre dans la dignité.
Parlez-nous de la visite effectuée par une délégation belge au Maroc ?
En effet, une délégation belge est venue au Maroc spécialement pour s’enquérir des conditions de vie des immigrés clandestins subsahariens. Ce collectif a été baptisé "Belyounech", du nom d’une région près de Tétouan où les clandestins sont regroupés. Nous travaillons en étroite collaboration avec ce collectif pour mettre au point un plan d’action bien ficelé. Et prochainement, une importante délégation rendra visite au Maroc.
Que pensez-vous du comportement des autorités marocaines à l’égard de ce phénomène ?
Il est inacceptable pour le Maroc de jouer le rôle de gendarme pour l’Europe. Cette dernière souhaite que le Maroc ouvre des centres de rétention ou d’accueil. Or, il s’agit en fait de véritables centres de détention pour ne pas dire de concentration. Le Maroc ne doit pas fléchir, et ce quel que soit le prix à payer. Nous pouvons tolérer que l’Europe sous-traite ces propres problèmes d’immigration au Maroc.
A suivre votre raisonnement, nous avons l’impression que vous souhaitez que le Maroc se transforme en terre d’accueil et non plus en terre de transit. Cette mutation est-elle possible à vos yeux ?
Ecoutez, pour se transformer en terre d’accueil de l’immigration clandestine, le Maroc doit garantir du travail à ces immigrés. Or, tout le monde sait que notre pays a du mal à subvenir aux besoins de sa propre population, en matière d’emploi. Ceci en termes pratiques. Mais pour ce qui est du principe, il va sans dire que nous devons offrir aux immigrés, qui viennent sur notre sol, le même confort que celui que nos concitoyens exigent dans les pays européens. Et dans tous les cas, il faut être intransigeant dans le respect des droits humains.