Abdellatif Jouahri dit tout. En effet, le gouverneur de Bank Al-Maghrib a présenté, mercredi 17 juillet, devant Sa Majesté le Roi Mohammed VI, un rapport sur la situation économique, monétaire et financière au titre de l’année 2012. Une année qu’il a qualifiée de difficile, influencée en cela par une conjoncture internationale morose, notamment dans la zone euro, et des conditions climatiques défavorables qui ont fortement affecté l’activité économique nationale.
Par ailleurs, le rapport de la banque centrale retrace les principaux chiffres et indicateurs de l’économie en 2012. Aussi, ce rapport officiel fait état d’une croissance nationale au ralenti s’établissant à 2,7% en 2012 après 5% une année auparavant. «Seules les activités tertiaires ont pu maintenir leur rythme de progression, tirées essentiellement par la performance de la branche Postes et télécommunications», a expliqué M. Jouahri dans sa présentation.
Aussi, il n’a pas manqué de tirer la sonnette d’alarme soulignant que «les signes d’essoufflement s’intensifient, avec en particulier la détérioration de plus en plus marquée des équilibres fondamentaux, notamment budgétaires et extérieurs, et la persistance à un niveau élevé du chômage des jeunes, parallèlement à un amenuisement significatif des marges de manœuvre des pouvoirs publics».
À ce titre, M. Jouahri a émis certaines recommandations soulignant qu’«affronter les défis auxquels fait face notre pays aujourd’hui passe par l’accélération et l’élargissement des réformes structurelles».
Il explique que ces dernières, aussi difficiles et impopulaires soient-elles, sont les seules à même de rétablir les équilibres macroéconomiques, d’assurer leur viabilité et de redonner à l’Etat les moyens pour améliorer la compétitivité, relancer la croissance et renforcer la cohésion sociale, tout en préservant les bonnes relations du pays avec ses partenaires internationaux. En revanche, leur report ne fera qu’alourdir leur coût économique et social. «En plus du parachèvement de la mise en œuvre de la Constitution comme cadre de référence, et des projets structurants engagés ces dernières années, tels que la régionalisation et la réforme de la justice, les autres chantiers qui sont à un stade avancé de finalisation doivent être adoptés et leur mise en œuvre accélérée», recommande M. Jouahri.
Sur un autre volet, le gouverneur de Bank Al-Maghrib relève que la soutenabilité des finances publiques requiert également un assainissement budgétaire, à travers la réduction des charges non productives, la modération au niveau des augmentations salariales, tout en les liant à l’effort de productivité ou de rendement, et la canalisation des ressources disponibles vers l’investissement productif et le développement humain. Dans ce sens, il recommande «l’accélération des processus d’élaboration, d’adoption et de mise en œuvre de la loi organique des finances» qui devrait contribuer à cette rationalisation par «l’amélioration de l’efficacité des dépenses et le renforcement de la transparence de l’action publique».
S’agissant du secteur financier, M. Jouahri précise que «l’approfondissement des marchés et le renforcement de leur solidité revêtent une importance cruciale pour le financement de l’économie».
À ce titre, il est nécessaire, pour lui, d’achever les chantiers engagés pour renforcer et moderniser l’infrastructure institutionnelle et réglementaire et l’aligner sur les meilleures pratiques internationales. «Il s’agit en particulier de l’adoption des nouveaux textes relatifs aux statuts de Bank Al-Maghrib et des autres autorités financières, ainsi que de la loi sur les établissements de crédit», explique-t-il.
Autant de recommandations qui appellent à la poursuite des efforts engagés par le pays, à l’accélération des projets en chantier et à l’élaboration de nouveaux plans pour certains secteurs sensibles.
Pour conclure, M. Jouahri a rappelé que «face à une conjoncture internationale qui risque de nous rester défavorable, il est crucial que l’ensemble des composantes économiques, politiques et sociales du pays prenne conscience du degré de difficulté de la situation et de la nécessité du dépassement de tout intérêt partisan, catégoriel ou individuel, au seul bénéfice de l’intérêt national».
Une inflation modérée à fin 2012
En 2012, l’inflation est restée modérée atteignant ainsi 1,3% contre 0,9% en 2011. Une évolution tirée principalement par quatre facteurs. Il s’agit en premier lieu des prix des principaux combustibles décidés par le gouvernement vers le début du premier semestre de l’année 2012. Le deuxième facteur est celui de la hausse de 3% des produits alimentaires volatils. «Les deux autres facteurs sont attribuables au ralentissement du rythme d’accroissement des prix des produits échangeables, en liaison avec le reflux des tensions inflationnistes dans les pays partenaires, et au recul de ceux des produits non échangeables, dû principalement à la faiblesse des pressions de la demande intérieure et à la réduction des tarifs des services de communication», souligne Bank Al Maghrib dans son rapport..
Notons qu’à partir du deuxième semestre de l’année 2012, un apaisement relatif des tensions sur les cours mondiaux des matières premières a été ressenti. Cette atténuation s’est diffusée aux prix à l’import et à ceux de la production industrielle. Ainsi, l’indice des prix à l’import hors énergie s’est replié passant de 21,5 à 6,5%. Celui des prix à la production des industries manufacturières s’est établi à 4,8% contre 14,8% auparavant.
Ménages : Une capacité de financement limitée à 3,6 MMDH
Le besoin de financement de l’économie s’est aggravé en 2012. Sa valeur s’est établie à 82,4 milliards de dirhams contre un besoin de 64,6 milliards en 2011. En établissant une analyse par secteur institutionnel, Bank Al-Maghrib estime un creusement de 30,7 milliards du déficit des administrations publiques et à 67,9 milliards de celui des sociétés non financières.
En ce qui concerne les ménages, leur capacité de financement s’est limitée à 3,6 milliards de dirhams. «Le rythme d’accroissement du revenu des ménages a décéléré à 3% en 2012 contre 6,7% un an auparavant et 6% en moyenne au cours des dix dernières années. Cette évolution s’est répercutée sur leurs dépenses de consommation, qui se sont inscrites en ralentissement à 4,6% contre 8,1% en 2011», relève-t-on du rapport de la banque centrale. Le besoin des sociétés financières s’est fixé, pour sa part, à 11,5 milliards de dirhams. En outre, les avoirs de réserves se sont contractés de 29,2 milliards de dirhams, et ce après un repli de 20,3 milliards de dirhams en 2011.
Une performance boursière à la baisse à fin 2012
La place casablancaise n’était pas au top en 2012. Le marché des capitaux reste structurellement étroit, ce qui a engendré une baisse de plus de 15 %, accentuant la contre-performance de la Bourse à plus de 26 % depuis fin décembre 2010. Bank Al-Maghrib attribue cette aggravation à la diminution des bénéfices des entreprises cotées ainsi que de la chute du volume des transactions. Par ailleurs, l’année 2012 a connu une hausse de 16,2 % des levées du Trésor ont contre 2,4 % enregistré à fin 2011.
A cet égard, le ratio de la dette publique intérieure est passé de 39,1 à 43,3 % du PIB. En outre, les émissions obligataires ont connu une progression importante, passant de 12,5 à 19,6 milliards de dirhams, tirée essentiellement par les levées des entreprises privées. L’actif net des OPCVM a progressé de 4,6 %, en raison de l’accroissement des fonds monétaires et obligataires au moment où les fonds actions et diversifiés ont connu en revanche une baisse en relation avec la contre-performance de la Bourse de Casablanca.