ALM : Quelle lecture faites-vous des dernières sorties médiatiques de MM. Sahel et El Himma ?
Abdelali Benameur : D’abord, je suis de ceux qui pensent qu’un pays se développe lorsqu’il arrive à se fixer une vision, des objectifs clairs, une stratégie et une politique à mettre en œuvre ainsi qu’un leadership qui porte le projet. Je dirais que je suis heureux que des responsables de premier plan, MM. Sahel et El Himma, puissent s’exprimer et défendre leurs points de vue et leurs projets. J’attendrai avec impatience la même chose des membres du gouvernement et, à leur tête évidemment, M. le Premier ministre.
Pour résumer, quel que soit le projet social mis en évidence, s’il n’y a pas un leadership fort qui le porte et qui le défend, eh bien, il ne peut pas fonctionner. Ça, c’est la nouvelle forme communicative de la problématique.
Et sur le fond ?
Ce débat, intervenu suite aux déclarations de Hassan Chami, met en évidence deux grands paradoxes que le Maroc se doit de gérer si l’on veut atteindre l’objectif de l’émergence. Le premier paradoxe est politique, le deuxième a une dimension économique.
Concernant le premier, le grand défi du Maroc de demain, à mon sens, se situe au niveau de la nécessité de concilier le choix démocratique au sens universel du terme avec l’indispensable existence d’un Etat fort.
Démocratie ne signifie pas Etat faible. Ceci pose donc la grande question de la répartition des pouvoirs au niveau de l’exécutif. S’il y a eu un petit clash entre M. Chami et les ministres, c’est que les uns et les autres peuvent dire des choses apparemment vraies quelque part mais, n’étant pas situées dans le cadre d’un projet social clair, cela apparaît forcément comme déstabilisateur de part et d’autre. Quand on dit que le Premier ministre doit avoir toute sa liberté d’action, oui, mais comment le faire en conciliant les deux objectifs.
Pour en revenir à l’Intérieur, peut-on parler de nouvelle orientation d’après vous ?
J’espère que la nouvelle intervention de l’Intérieur ouvre la voie à ce débat positif pour concilier les deux objectifs dont j’ai parlé. Alors, le deuxième paradoxe pour terminer mon idée, c’est le positionnement de l’économique par rapport au politique dans notre pays. Comment, dans un cadre mondialisé, donner toute la latitude d’action à l’économique, tout en sachant, que nos structures économiques ont encore besoin d’un accompagnement de type administrativo-politique.
Une bonne partie de l’interview de M. El Himma a été consacrée à la presse. Récemment, c’est Sa Majesté qui parle de citoyenneté responsable. Quel est votre commentaire ?
J’ai, par hasard il y a quelques mois, écouté Jean-Daniel parler de cette question sur une chaîne de télévision. Il disait en l’occurrence qu’il n’y a pas de lignes rouges, mais qu’il y avait un horizon à la ligne verte. Il n’y a de liberté d’expression que s’il y a responsabilité. On ne peut mentir, désinformer, inventer des faits impunément.
Permettez-moi de dire une chose : je ne suis pas d’accord sur la manière dont on réagit par rapport à certaines déclarations. A titre d’exemple, Nadia Yassine a parlé de république. Je ne partage pas le moindre iota de sa pensée. Néanmoins, la façon dont on a réagi ne me semble pas comme étant la plus judicieuse.
Qu’est-ce qu’il fallait faire alors?
Il fallait réagir au ridicule par la plaisanterie sarcastique d’autant plus qu’elle est en train de nous suggérer d’instaurer sa république islamique à l’iranienne, sachant ce que cette dernière a occasionné comme dégâts obscurantistes. Il faut combattre les gens par les moyens politiques. D’ailleurs, la majorité des Marocains ne sont pas extrémistes.
L’on est à deux ans de 2007 et d’un tournant décisif. Une loi sur les partis est en cours d’adoption. Qu’est-ce que cela vous inspire ?
C’est une extraordinaire chose qu’on débatte de l’organisation des partis.
La seule chose que je défendrai personnellement, c’est que ce soit fait dans le respect du choix démocratique dans son sens le plus noble. J’aurais souhaité qu’il y ait une autre loi portant sur le mode de scrutin. L’actuel, pour moi, ne favorise pas l’émergence d’une vraie majorité homogène et dotée d’un programme commun.