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Benamor : «On est loin du raz-de-marée islamiste»

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ALM : Un sondage américain récent a crédité le PJD de 47% des intentions de de vote lors des législatives de 2007. Ce sondage reflète-t-il la réalité politique actuelle de notre pays ?
Abdelali Benamor : Il faut remettre les choses à leur juste mesure. Sur la forme, d’abord. Traditionnellement, lorsqu’on publie un sondage, on fournit au lecteur les bases scientifiques sur lesquelles la consultation a porté. J’entends par là l’échantillon sur le plan quantitatif et qualitatif, les questions posées, etc. Force est de constater qu’on n’a rien de tout cela. On peut se poser des questions sur la crédibilité de ce sondage. Autre remarque importante, toujours au niveau de la méthode, ce sondage a été commandé par l’Institut républicain international, proche du Parti républicain américain. Ce parti, on le sait, a une mouvance religieuse intégriste assez forte. Et tout le monde sait que le paradoxe de l’Administration américaine actuelle, c’est qu’elle privilégie encore les discussions avec les mouvements intégristes au niveau arabe et qu’elle fait la différence chez nous entre intégrisme modéré et intégrisme extrémiste. Pour l’instant, le moins que l’on puisse dire, c’est que le mouvement le plus modéré chez nous a un référentiel constitutionnel religieux couvrant aussi bien les valeurs que les règles de fonctionnement de la société. Il s’agit donc d’un parti islamiste qui n’a rien de modéré quant à ses idées. Passons, maintenant, au fond, que dit ce sondage? Il nous informe que les citoyens marocains ne portent pas dans leur cœur la politique et les partis politiques d’une façon générale. Le moins bien placé, ce serait le PJD. On est loin du raz-de-marée. Deuxièmement, 73% des gens sondés disent qu’ils peuvent changer d’avis. Alors, le chiffre de 47% pour le PJD est à relativiser. Maintenant, il ne s’agit pas de minimiser le danger, d’autant plus que les statistiques en question ouvrent la voie à l’indispensable prise de conscience chez les démocrates. Ils doivent donc se ressaisir, ils peuvent gagner.

En réaction à ce sondage, le PJD a minimisé sa force de frappe électorale. S’agit-il d’une preuve de lucidité ou de manœuvre politicienne ?
Vous me dites que le PJD déclare lui-même que le sondage ne signifie pas ce que peuvent dire les gens. La différence entre mon analyse et la leur, c’est que moi je fais cette analyse pour que les démocrates se mobilisent, alors qu’eux, ils le font pour endormir les autres.

Mais les résultats des législatives du 27 septembre 2002 ont profité plutôt aux islamistes…
Il y a des gens qui gagnent par défaut et des gens qui gagnent par force de conviction. J’ai l’impression que ce dont vous parlez relève plutôt de la première hypothèse. Oui, si les démocrates ne se mobilisent pas, ils risquent de perdre bêtement. Au lieu de se mobiliser, les démocrates partent perdants et cherchent même, pour certains, à faire alliance avec le futur soi-disant gagnant. Toute la classe politique est interpellée.

A votre avis, qu’est-ce qui serait derrière la percée islamiste ?
Elle est due aux faiblesses des autres, à la fracture sociale que connaît le pays et que les responsables n’arrivent pas à faire évoluer positivement, elle est due enfin à ce climat international d’embrigadement d’une certaine jeunesse arabo-musulmane perdue.

En cas de victoire du PJD, le syndrome « Hamas » ne risquerait-il pas d’atteindre le Maroc ?
En effet, le syndrome « Hamas » est là. Et ce serait dommage pour notre pays de perdre 5 années de législature parce qu’on sait tous qu’il s’agit d’un mouvement incapable de gouverner ; certaines de leurs idées, mêmes coloriées, ne sont pas de nature à faire évoluer le pays. Ajouter à cela, la position réfractaire des autres au niveau international. C’est pour cela que j’ai l’habitude de dire à ce mouvement intégriste : « Soyez réellement des musulmans démocrates, à l’instar des partis chrétiens qui existent de par le monde. Cela suppose que vous adoptiez, comme nos valeurs, les valeurs musulmanes, mais que vous laissiez à l’alternance politique les règles de fonctionnement de la société. Cela suppose une séparation entre le religieux et le politique. Dans ce cas d’espèce, vous seriez un parti conservateur, démocrate qui mériterait sa place sur l’échiquier politique. Vous représenteriez une bonne partie de la société marocaine qui reste conservatrice et musulmane dans le sens ouvert du terme. Je ne suis pas contre le PJD pour être contre le PJD, je le suis à cause de leur référentiel intégriste qui amalgame valeurs musulmanes et règles de fonctionnement de la société.

Que pensez-vous du rejet par le PJD de toute alliance avec la Koutla ?
Le monde est à l’envers. C’est la Koutla qui aurait dû déclarer son refus de toute alliance avec le PJD s’il reste dans sa forme actuelle.

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