ALM : Quels reproches faites-vous en général à notre système d’enseignement ?
Abdesselam Bougueddach : Comme vous savez, le système est basé, en principe, sur les ressources humaines, la gestion et le contenu pédagogique. Pour le premier volet, nous ne saurons nier une évolution positive, mais qui reste toujours en deçà de nos espérances. Cela provient de plusieurs facteurs. A titre d’exemple, il est malheureux de voir que les lauréats de 2003 n’ont pas encore vu régulariser leur situation et cela leur pose d’énormes problèmes pour se déplacer et vivre normalement pour tout dire.
Comment voulez-vous avec cela que leur rendement soit à la hauteur?! L’aspect promotion pose aussi d’énormes problèmes et n’oublions pas que le statut de base est lui-même source de beaucoup de polémiques puisqu’il se trouve faire l’objet d’une plainte. Il faut dire que le corps des inspecteurs n’est pas le seul et il n’y a qu’à voir la série des protestations et des sit-in organisés de manière presque permanente devant le siège du ministère. Tout cela entrave la bonne marche de tout le système. Les centres de formation sont paralysés et je me demande comment est-ce qu’on peut se permettre que le centre de formation des inspecteurs ne reçoive plus de promotion depuis 1999 ?
La même remarque est faite en ce qui concerne l’absence de l’équilibre et de la transparence pour les nominations aux postes de responsabilité.
Les compétences sont marginalisées et il vous suffit de voir de près l’affaire du délégué d’Al Hoceïma qui a été limogé de son poste. A ma connaissance, très peu sont les responsables de cette catégorie à avoir fait l’objet de pétition pour qu’ils soient maintenus à leurs postes !
Où en est-on pour la formation et la formation continue ? comment a-t-on géré le dossier des mutations ? Il y a une absence de stratégie et les discours creux ne servent plus à rien.
Quel regard porte votre syndicat sur le travail et les conclusions de la Cosef?
Plusieurs efforts ont été fournis et il serait déplacé de ne pas en tenir compte. Aujourd’hui, plusieurs manuels scolaires sont disponibles et sont de bonne qualité. Toutefois, des programmes et initiatives aléatoires remettent tout en cause. Je vous donne pour exemple la traduction pour le tronc commun qui a été annulée sans préavis et sans consultation, alors que toutes les études ont montré que le facteur langue est pour beaucoup dans le taux d’échec relevé à l’université et notamment dans les Facultés des sciences.
Il y a aussi le fait qu’on a débouché sur un système esquintant et pour les enseignants et pour les élèves, vu le nombre des disciplines et matières enseignées. A mon avis, la mission de l’école, surtout pour le primaire, doit être celle de rendre les élèves capables de communiquer avec leur environnement par la lecture et l’écriture. Je me rappelle toujours les propos d’un expert international qui nous avait dit, lors d’un séminaire de formation, que nous les Marocains nous voulons tout faire à la fois, mais que nous ne débouchons sur rien, à la fin !
Avez-vous un exemple plus précis ?
Beaucoup, mais le plus significatif est celui de la déroute de l’enseignement des mathématiques. Il y a quelques années, l’équipe nationale était classée 3ème au niveau mondial lors des Olympiades. Actuellement, le Maroc occupe la 143ème place et le premier responsable de cet état de fait est le gouvernement en la personne du ministre de l’Education. Ce dernier doit présenter des excuses et démissionner.
D’autres chiffres ne sont pas moins éloquents. Sur 100 élèves inscrits au primaire, moins de 10 % arrivent à décrocher leur Bac. Et sur 100 inscrits à l’université, 10 % également et seulement arrivent à avoir leur licence. Le plus dramatique est cet autre chiffre : un étudiant prend une moyenne de 9,2 années pour décrocher une licence et encore, puisque je parle-là de la moyenne pour la Faculté des sciences de Rabat.
Quelles sont, d’après vous, les priorités qui doivent être celles de ce système ?
Ce n’est guère sorcier. Pour que le système puisse marcher et donner de bons résultats, il faut d’abord se concerter avec les concernés et les spécialistes de tous les segments. Ensuite, il faut appliquer, de manière urgente, toutes les dispositions de la Charte sans phase transitoire et notamment en ce qui concerne l’Agence nationale d’évaluation qui pourrait être d’un très grand secours. Enfin, pour résumer, il faut donner plus d’importance à la formation et à la formation continue et rouvrir les portes des centres paralysés depuis longtemps.
Le manuel scolaire se trouve toujours au centre de la polémique sur l’enseignement. Quel est votre avis là-dessus ?
La diversité de l’offre n’est qu’un leurre malgré la volonté et les slogans affichés. Le manuel scolaire, vous pourrez vérifier, est imposé de manière officielle par circulaires émises par les délégués du ministère. Les enjeux de cette diversité ont été pervertis.