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Bouzoubaâ : Notre vision n’est pas répressive

ALM : Les prisons marocaines connaissent un grave problème d’encombrement. Quelles sont les mesures prises par votre ministère pour y remédier?
Mohamed Bouzoubaâ : Effectivement, nos prisons sont surpeuplées. Nous sommes conscients de cette réalité. C’est la raison pour laquelle le ministère de la Justice a inscrit parmi ses priorités la résorption de ce problème. Nous avons pris un certain nombre de mesures allant de l’activation de la procédure de grâce, jusqu’à la conciliation, en passant par la liberté provisoire et la liberté conditionnelle.
Prenons point par point. Qu’y a-t-il de nouveau dans la procédure de grâce royale?
En fait, nous avons élargi les critères de sélection, afin de permettre au maximum de prisonniers de bénéficier de la grâce royale. La commission chargée de la sélection privilégie donc les personnes âgées, les malades, les détenus de longue durée ainsi que les jeunes qui ont appris un métier au sein de la prison. Le but est bien évidemment de les aider à s’insérer le plus rapidement possible dans la société.
Sont également sélectionnées de manière prioritaire, les prisonnières enceintes ou ayant un enfant à leur charge au sein de la prison. En somme, lors des occasions telles que la fête du Trône, la fête de la Jeunesse ou l’anniversaire de la Révolution du Roi et du Peuple, le nombre des personnes graciées sera très important.
Qu’en est-il de la liberté provisoire?
Notre vision de la Justice n’est pas de réprimer, mais de prévenir les dérapages sociaux. C’est la raison pour laquelle j’ai donné des instructions aux parquets pour qu’ils fassent appel, conformément aux dispositions de l’article 53 du code de procédure pénale, à l’option de liberté provisoire avec le versement d’une caution, en guise de garantie. Cela évitera aux prisons d’accueillir des dizaines de nouveaux détenus. C’est le cas également des personnes en attente d’une grâce. Elle peut aisément bénéficier d’une liberté provisoire, surtout lorsqu’il s’agit d’un cas social.
Le nouveau code de procédure pénale donne également au parquet la possibilité de concilier les parties. Quel est l’avantage de cette option?
D’abord, la conciliation ne peut s’appliquer qu’aux infractions dont les peines sont inférieures à deux ans. Dans ces cas, le procureur peut engager une procédure de conciliation. C’est une manière de régler les litiges rapidement et avec beaucoup d’avantages. Le défendeur ne risque pas d’aller en prison car la peine ne peut être que pécuniaire. Ce qui évite d’encombrer davantage les prisons. En outre, une fois la victime dédommagée, le défendeur bénéficie d’un rabattement de 50% des taxes judiciaires. Mieux encore: l’affaire, une fois classée, ne figure jamais dans le casier judiciaire du défendeur. Tout le monde y trouve son compte. La victime, le défendeur et la Justice.
Certaines prisons sont souvent remplies de personnes en détention préventive. Qu’avez-vous prévu pour ce type de détenus?
C’est un aspect que nous prenons également très au sérieux. Le ministère a demandé à tous les tribunaux du Royaume de faire un maximum d’effort pour que le délai de la détention préventive soit le plus court possible. Il n’est plus question de laisser indéfiniment des personnes en instance de jugement.
Avant votre arrivée au ministère de la Justice, la liberté conditionnelle n’a été accordée que dans 7 cas. Qu’en est-il depuis deux ans?
Je tiens à rappeler que la liberté conditionnelle est exclusivement accordée par le ministre de la Justice. Il s’agit de cas où un des proches du prisonnier se porte garant pour lui procurer un travail et l’aider ainsi à s’insérer dans la société. Effectivement, en 20 ans, cette option n’a été utilisée que 7 cas. Depuis mon arrivée à la tête du ministère de la Justice, j’ai accordé la liberté conditionnelle à 160 personnes.
Mais la réussite de votre politique ne nécessite-t-elle pas l’adhésion des juges?
Evidemment. Rien ne peut se faire sans les magistrats eux-mêmes. Sur ce point, je peux vous assurer que la majorité écrasante des magistrats adhère entièrement aux actions que nous menons.
D’un point de vue social, je tiens à rappeler que plus d’une centaine de magistrats viennent d’être promus au grade exceptionnel. Leur salaire passe de 18.000 à 30.000 DH.
L’année dernière, ils étaient 140 à passer au grade exceptionnel. Alors qu’avant mon arrivée, ces promotions n’étaient accordées qu’aux compte-gouttes.
Quatorze juges ont été sanctionnés par le Conseil supérieur de la magistrature. Pourquoi?
En fait, pour ceux qui ont été révoqués et mis à la retraite, il s’agit d’affaires de corruption qui portent atteinte à leur profession. Quant aux magistrats ayant obtenu un blâme ou un avertissement, il s’agit d’infractions légères, telles que l’absentéisme à répétition. Même pour la corruption, il y a des degrés de sanctions. Quelqu’un surpris en flagrant délit de corruption ne peut être traité comme un autre sur lequel ne pèsent que des soupçons.

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