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BP : Les bons comptes et les bons amis

Le secteur public n’en finit pas de payer les frais de la mise en place d’une politique générale d’ouverture sur les marchés internationaux. L’adoption d’une véritable gestion, soumise aux standards internationaux exige, notamment, pour le secteur financier, des banques «fortes» aux assises financières solides. Alors que les méthodes de gestion dépassées, basées sur des considérations personnelles et hors champ légal, ont longtemps grevé le processus de développement des institutions. Aujourd’hui, l’heure est aux règlements de comptes. Après une première campagne d’assainissement, qui, de l’avis d’un grand nombre d’observateurs, s’est réalisée dans une ambiance de suspicion générée par une médiatisation promotionnelle plus qu’informative, le même processus semble s’être déclenché depuis l’année 2000.
La Cour spéciale de Justice n’a jamais connu un flux aussi impressionnant de dossiers de détournements de deniers publics. L’affaire des minotiers a déclenché l’opération de ratissage, et des voix se sont élevées, à bon ou mauvais escient, pour remettre en cause la compétence de cette juridiction spécialisée. Toujours est-il que les magistrats de cette haute instance continuent à creuser dans l’affaire, cette fois-ci de la Banque Centrale Populaire. Vendredi dernier, l’ex-président de la BP, Abdellatif Laraki, a été déféré, en état d’arrestation, devant le procureur général de la Cour Spéciale de Justice (CSJ). Détenu actuellement au pénitencier de Salé, son incarcération risque de durer près de 6 mois, période ponctuée d’interrogatoires. L’avocat de la défense, Maître Aziz Benkirane, continue à soutenir que son client a régularisé sa situation avec la Banque Centrale Populaire.
C’est ainsi qu’il est énoncé dans la missive que ce dernier avait adressée au procureur du Roi à la CSJ, en vue d’un déblocage des frontières (le 7/12/01).La Banque Populaire reconnaît que Laraki aurait régularisé sa situation à l’exception de la somme de 650 000 francs français versés en tant qu’indemnités à des cadres de la filiale à Paris. Certes, cette affaire demeure l’aspect le plus saillant dans le dossier Banques Populaires, mais il reste un chantier de grande envergure. Celui qui repose sur la gestion des Ressources humaines dans son ensemble. Car l’histoire a débuté avec le nombre impressionnant des comptes que détiennent certains cadres au sein de l’établissement. La nomination de Abdallah Maâroufi à la tête de la BP en février 1998 intervient suite à un rapport accablant émanant de l’Inspection des Finances. Ce document dévoile des relations financières douteuses entre l’institution financière, ses filiales et les hauts cadres. C’est ainsi qu’il s’est avéré que certains employés de la BCP bénéficient de découverts considérables dans leur compte du personnel. Par ailleurs, certains d’entre eux profitent de plusieurs prêts à la consommation ou encore en immobilier. Et comme par hasard, leurs comptes débiteurs restent en souffrance en dehors des délais légaux. Pis encore, des prêts sont octroyés sans fixation du terme du remboursement. Il faut dire que le mécanisme est des plus simples.
Ces débits importants prennent la forme comptable de «prêts sociaux». Toutefois, l’alarme est tirée lorsque les sommes qui transitent dépassent la limite légale des 20 000 DH. Car l’ensemble des soldes débiteurs douteux dépasse tous les 200 000 DH. Un compte affiche même un solde débiteur de 957 000 DH. Par ailleurs, des débits de comptes personnels financent des opérations sur la place boursière de Casablanca. Sans omettre le paiement par la Banque Populaire de créances résultant d’opérations commerciales transitant par des comptes du personnel et l’abandon des agios au profit de sommes d’argent importantes.
Un cas illustre ces derniers manquements aux lois et aux procédures bancaires. Il montre les liens autres que professionnels qui unissent la banque à son employé. Ainsi, ce haut responsable de l’établissement possédait sur son compte de personnel une somme modique de 29 DH. Toutefois, il se permet de réaliser une opération en Bourse d’un montant de près de 200 000 DH. En 1997, cette même personne s’est vu bénéficier d’une mesure exceptionnelle dans le milieu bancaire. Plus de 273 000 DH d’agios ont été supprimés, qui résultaient d’octroi d’un important crédit datant d’avant 1994. Au niveau des filiales de la Banque Populaire, et notamment Bank Al Amal, des prêts qui y sont contractés demeurent non remboursés et permettent aux titulaires de réaliser des appels de garantie. Pour lesquels la banque populaire exécute le paiement et l’inscrit en tant que simple débit sur le compte du bénéficiaire. Autre irrégularité. Les entreprises créées ou contrôlées par des cadres travaillent sur la base de contrats de sous-traitance avec la Banque Populaire.
Les principales sociétés concernées sont actives dans l’entretien et dans le gardiennage. S’ajoute à celles-ci une société de promotion immobilière, dont l’un des principaux actionnaires est le président d’une Banque Populaire Régionale. Entre compte d’associé et compte de personnel, la limite est clairement établie.

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