On a perdu ! On a perdu ! Scandé à la manière des cris de joie au sortir d’une victoire, le slogan aurait pu exprimer en creux, et au prix de beaucoup d’ironie, l’état d’esprit du public et des amateurs du football en général à la vue de la piètre performance de la sélection nationale à Bamako. Pour seule consolation qu’on trouve dans ces moments, on se rabat sur le vieil adage « à quelque chose malheur est bon ! », pour dire que c’est une occasion propice de faire le point et de se dire, enfin, les choses sans fard et sans faux-fuyants. Dans un moment de lucidité comme celui-ci, on se rend compte que la bérézina à laquelle on est arrivé en matière de football, avec la double élimination des compétitions majeures auxquelles notre pays prétendait, la Coupe du Monde et la Coupe d’Afrique des Nations, ne peut surprendre que ceux qui avaient joué à l’autruche durant de nombreuses années ou ceux qui préféraient, pour une raison ou une autre, se mentir et mentir sur la réalité de notre football en particulier et des sports collectifs en général, dans notre pays.
Le football chez nous est un sport très populaire, le plus populaire d’entre tous, et au nom de cette popularité des appétits voraces, une faune de dirigeants peu compétents et souvent peu nets, ont joué les parasites dans les clubs, avec la complicité tacite ou active des autorités et des collectivités territoriales, au niveau local, à celui des ligues régionales, voire au niveau national. Malversations, clientélisme, faillites organisées, opacité dans la gestion, amateurisme dans l’encadrement, sous-estimation et marginalisation des professionnels, manque de vision en matière de développement et de formation ; tels sont les vrais maux dont souffre la quasi-majorité de nos clubs et par voie de conséquence l’équipe nationale qui en est issue. Vivant de l’argent du contribuable et appelé à défendre les couleurs du pays et à défendre une fierté nationale, notre football qui a des prétentions à l’échelon continental et mondial se doit d’opérer une véritable mise à niveau, exigeante, là aussi, en transparence, esprit d’initiative, démocratie et valorisation des compétences nationales. Dans de nombreux pays, le football est désormais une affaire d’État. L’exemple de l’Afrique du Sud, notre dernier compétiteur sur le terrain, mais aussi notre concurrent continental pour l’organisation des phases finales d’une édition du Mondial, est là pour nous montrer à la fois l’exigence et la classe qui sont demandées pour donner réellement la réplique aux grandes nations de football. Quant à l’esbroufe qu’on a entretenue artificiellement à la faveur de quelques coups d’éclat ponctuels et quasi-accidentels, elle ne peut mener notre football qu’à la situation très peu enviable qui est la sienne aujourd’hui. Une impasse vécue comme un drame par les millions d’amateurs de ce sport.