La décision Royale d’abaisser l’âge de vote à dix-huit ans est venue à point nommé pour répondre à un certain nombre d’impératifs et de demandes qui recoupent une prise de conscience et une reconnaissance de l’importance de la jeunesse dans la société marocaine. En adoptant cette mesure, longtemps réclamée par la plupart des forces politiques nationales, le Maroc se rapproche des standards internationaux dans un grand nombre de pays qui estiment que la majorité citoyenne et civique doit être alignée sur la majorité biologique et pénale.
Chez nous, l’argument est d’autant plus fondé que la composition démographique du pays est largement caractérisée par l’importance de sa composante jeune et que celle-ci est appelée très tôt à assumer des responsabilités familiales et socio-économiques importantes, notamment en milieu rural.
Mais, même en milieu urbain et péri-urbain où la longévité scolaire retarde normalement l’entrée des jeunes dans la vie active, les préoccupations de cette jeunesse relatives à son avenir professionnel, à ses droits aux activités sportives, culturelles et de loisir, à son statut dans la vie politique, syndicale et associative, sont nombreuses et complexes. Elles nécessitent, de ce fait, que les millions de jeunes concernés aient droit au chapitre pour défendre les intérêts et les droits liés à leur âge et à leur situation.
Le droit de vote leur permet, justement, de peser sur le choix de leurs élus et de participer à la vie civique de la cité, et finalement de prendre une part plus active dans les décisions concernant leur vécu quotidien et leur avenir, en tant que citoyens à part entière.
Mais, les choses ne se présentent pas uniquement sous cette forme arithmétique. Le manque d’attractivité des partis politiques démocratiques sur cette jeunesse, le faible niveau de formation, la force de frappe de réseaux obscurantistes qui ont prospéré sur le terreau favorable de la misère et de la frustration, sous ses formes matérielles comme dans ses aspects culturels et spirituels ; tous ces facteurs expliquent, en partie, l’état de perplexité et de malaise que vit la jeunesse marocaine dans sa grande majorité.
De là à conclure, hâtivement parfois, qu’elle est d’emblée acquise à l’aventurisme et à toutes les entreprises obscurantistes et extrémistes, il y a un fossé que seul l’amalgame facile peut combler. Les millions de jeunes marocains, comme leurs semblables sous toutes les latitudes, ont besoin de repères, de lueurs d’espoir concernant leur avenir, d’activités qui contribuent à leur épanouissement et à leur formation, de lieux de loisirs et de plaisirs inhérents à leur âge, d’ouvertures sur les autres cultures et les autres mondes, de raisons de rêver, du droit aussi d’êtres frivoles, passionnés, versatiles, généreux…et inconséquents. Pour tout cela, et pour une autre raison plus concrète encore, celle d’appartenir à une terre et à une culture multi-séculaires, travaillées par le métissage, la tolérance et la faculté d’intégrer les différences, la jeunesse marocaine ne peut être corsetée dans une idéologie réductrice engagée dans une impasse.