L’actualité politique en Turquie occupe le devant de la scène médiatique internationale en tant qu’événement majeur de portée mondiale auquel sont consacrés les commentaires et les analyses les plus pointus, depuis plusieurs jours. La victoire éclatante du Parti de la Justice et du Développement (PJD), présenté comme un parti islamiste modéré, est au centre de cet intérêt.
Compte tenu de la place géostratégique de la Turquie dans une région de la planète extrêmement sensible et en prise avec des tensions de plus en plus explosives. Compte tenu du débat actuel sur l’Islam politique et de la volonté des pays entièrement ou majoritairement musulmans de se démarquer de dérapages de l’activisme islamique à connotation terroriste. Compte tenu aussi du degré d’interdépendance multiforme entre la Turquie et l’Occident en général, notamment à la lumière des pré-négociations sur l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne.
La principale leçon des élections turques, c’est d’abord leur caractère démocratique incontestable et que personne, à l’intérieur comme à l’extérieur du pays, ne met en cause. Le système politique du pays, malgré quelques signes d’instabilité et hormis la question kurde qui relativise les droits des minorités, est unanimement reconnu par la communauté internationale comme un système démocratique.
Ensuite, pour l’ensemble géographique du monde musulman, la Turquie fait figure d’exception dans la mesure où, malgré une quasi-majorité de plus de 90 % de musulmans parmi la population, le système politique est fondé sur le principe de la laïcité, garanti par la constitution, et admis comme un environnement qui n’est nullement incompatible avec la pratique religieuse, voire avec la militance et l’organisation de formations politiques sur le principe religieux, comme c’est le cas du PJD.
Les dirigeants de cette formation politique, tout en se défendant d’être les promoteurs d’un parti fondamentaliste islamiste, se présentent d’abord comme des démocrates, et font le parallèle entre eux et la famille de la démocratie chrétienne, dans les pays européens, dont l’essence démocratique n’a jamais été contestée par qui que ce soit.
La leçon turque pour un pays comme le Maroc est à la fois instructive, exemplaire et didactiquement intéressante. Avec un parti homonyme du PJD turc, le dernières élections législatives chez nous ont vu une forte percée de la formation islamiste en termes de sièges parlementaires lui permettant de se placer parmi les formations politiques nationales les plus importantes. À ce titre et au regard de la composition du gouvernement de Driss Jettou, le PJD est appelé à jouer le rôle d’épine dorsale de l’opposition au sein du Parlement.
Mais, il existe une forte nuance entre mener une campagne sur un discours populiste ou moralisateur et entraîner les foules sur des thèmes plus ou moins démagogiques, d’un côté, et de l’autre, la conception d’un discours politique structuré, objectif et destiné à proposer un projet de société viable, tenant compte de l’ensemble des paramètres qui s’imposent à un pays comme le Maroc dans la réalité de son vécu et de son environnement.
Sur ces bases, le Maroc pourrait demeurer fidèle à sa réputation de pourvoyeur d’idées et de sens, s’il est capable de produire un modèle viable de démocrates islamistes, tolérants, ouverts et intégrés au jeu démocratique national.