Le ministre de l’Education nationale (MEN) vient de rendre publique une partie des résultats des audits que son département a diligentés auprès de nombreuses administrations régionales et d’associations relevant directement de son département ou de la tutelle du ministère. Compte tenu des réserves d’usage de la part d’un membre du gouvernement, et qui plus est d’un ministre «politique», la litote et les clauses de style sont de rigueur pour dire que des malversations, des détournements de fonds, des irrégularités et des indisciplines en tous genres ont été mis en évidence par ces examens plus ou moins approfondis. L’initiative, inédite dans sa forme et louable dans ses intentions, demeure isolée et insuffisante pour décrire et expliquer l’état dans lequel se trouvent nos établissements scolaires et l’ensemble du système éducatif public, au-delà des déclarations d’intention et des discours de satisfecit. Lorsqu’on parle, par exemple, de généralisation de l’enseignement public, gratuit et obligatoire, on omet de dire que d’un point de vue matériel concret, le MEN, à lui seul, ne peut absolument pas mettre en oeuvre une telle décision compte tenu des ressources matérielles et humaines que cet objectif implique, et qu’il s’agit d’une mobilisation générale et de l’allocation de moyens conséquents, sur la base de décisions volontaristes et stratégiques, pour atteindre cet objectif. Quand on multiplie les déclarations sur l’introduction des nouvelles technologies de l’information dans le système éducatif public marocain et sur la systématisation de cette introduction à très moyen terme, on oublie de dire que la majorité des établissements scolaires ne disposent plus de lampes, de prises de courant et d’équipements téléphoniques de base par manque de budgets et que l’on est souvent astreint à faire des contorsions impossibles pour caser toutes les classes avant la tombée de la nuit, parce qu’on ne peut pas éclairer les locaux. On oublie aussi de dire que des associations de parents d’élèves et de nombreux chefs d’établissement n’en peuvent plus de rafistoler un tissu de solidarité autour des écoles, collèges et lycées, en repoussant à l’extrême le travail associatif pour pallier les insuffisances du système, parfois au risque de prendre des libertés avec la loi et de s’exposer à beaucoup de griefs et de suspicion. On omet aussi de dire la mal-vie de l’ensemble du corps enseignant ballotté entre des promesses de valorisation de leur niveau de vie et des promesses purement électoralistes au point de se sentir continuellement les dindons de toutes les farces et de tous les calculs, de ne plus croire en personne et en rien, y compris en la noblesse de leur mission qui conditionne l’avenir de la nation tout entière.