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Cinq dirhams pour un voyage dans l’au-delà

Nadia B, 16 ans, avait vaguement entendu parler d’une jeune femme qui a tenté d’en finir avec la vie en avalant du «takaout». «Elle s’est ratée» précise-t-elle.
Un jour où elle ne voyait plus clair, où tout semblait se dérober sous ses pieds, elle a décidé de mettre un terme à son vertige. Elle est partie chez l’herboriste du quartier et lui a acheté 5 DH de «takaout». Ce dernier n’a pas posé de questions sur l’usage de ce produit. Il était sûr que Nadia voulait se colorer les cheveux. Le takaout se vend en effet sous forme de petits cailloux noirs. Il donne aux cheveux une couleur noir corbeau.
L’herboriste lui a enrobé la dose de takaout dans un vieux papier. Nadia a commencé par triturer à l’aide d’un pilon les cailloux noirs. Une fois satisfaite du résultat, elle a tout avalé à l’aide d’un verre d’eau. « J’ai immédiatement senti des maux à l’estomac, c’était comme si mes entrailles se déchiraient ». Nadia a pris peur et a bu du lait pour tout rendre. Elle est partie à la pharmacie de son quartier qui se trouve à Témara. Elle a tout avoué. Elle a réclamé l’aide de la pharmacienne qui lui a conseillé d’aller à l’hôpital sans s’attarder plus longtemps sur son cas. Aucun pharmacien consciencieux n’aurait renvoyé de la sorte une adolescente qui a avalé un poison mortel. « Quand je suis sorti de la pharmacie, je sentais des épines sous mes pieds, mon cou avait enflé d’une façon démesurée ». Nadia a peur ! Elle a appelé sa soeur qui l’a transportée à vive allure aux urgences de l’hôpital Avicennes. Dès qu’ils l’ont aperçue, les médecins ont immédiatement compris les raisons de son malaise.
Ils reçoivent régulièrement des cas similaires. Les secours ont été spectaculaires : couchée à même le sol, Nadia suffoquait, la gorge extraordinairement enflée, les médecins qui ont accouru de toutes parts, lui ont déchiré ses vêtements sur la peau, et les premiers soins ont été extrêmement rapides. Le tout sous les yeux de sa soeur affolée. « Je n’ai plus le souvenir de ce qui s’est passé par la suite » dit Nadia.
En fait, elle est restée inconsciente pendant deux nuits. Ses proches ont passé tout leur temps entre les couloirs des urgences d’Avicennes. Après deux jours d’attente, Nadia est tirée d’affaire. Pas complètement, parce qu’elle s’en sort avec un rein gravement endommagé. « Je ne pense pas que je vais récidiver, je n’ai pas le courage, et puis la douleur est atroce » dit-elle. Mais elle ajoute que rien n’a changé pour elle, et qu’elle cherche aujourd’hui une voie à son marasme dans les narcotiques. Nadia a eu de la chance, parce que le poison n’a pas eu le temps de lui ravager les organes : on l’a transportée aux urgences, une heure à peine après qu’elle l’ait avalé, mais la plupart des personnes qui en prennent meurent. Le médecin qui l’a soignée n’a pas cessé de répéter que l’évolution du takaout est imprévisible, les organes qu’il touche « fondent comme une bougie ».
Nadia n’a fait l’objet d’aucun suivi psychologique après sa sortie de l’hôpital et le takaout est toujours en vente libre.

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