ALM : Comment voyez-vous l’évolution de l’Aqmi dans la région ?
Claude Moniquet : Il y a en fait deux Aqmi. La première, très puissante au nord-est de l’Algérie et ses bases sont en Kabylie. Celle-ci est spécialisée dans les attentats contre la police et l’armée. Pour ce qui est de la seconde, ses activités s’étendent du sud de l’Algérie au Mali, au Niger et à la Mauritanie. Cette organisation cible les étrangers en organisant des kidnappings. Le paiement des rançons permet de financer les activités de l’Aqmi.
Comment l’Aqmi tisse sa toile au Maroc ?
L’une des principales cibles de l’Aqmi est le Maroc et ce pour trois raisons. Le Maroc est le pays le plus stable de la région. Au Maroc, il y a un Islam traditionnel, paisible, différent de celui des islamistes. Enfin, le Maroc a réalisé d’importantes avancées concernant les droits des femmes. Des progrès qui sont rejetés par les islamistes. L’objectif de l’Aqmi est de recruter de jeunes Marocains pour les envoyer dans des camps d’entraînement basés en Algérie ou au Mali.
Pourquoi l’Aqmi cherche-t-elle à créer une base arrière au Maroc ?
La mission de l’Aqmi est d’unifier les djihadistes du Maghreb. L’Aqmi a du mal à y parvenir. En témoignent les tentatives mises en échec en Tunisie et en Libye. À présent, l’Aqmi essaie d’implanter une base au Maroc pour parvenir à son projet.
À votre avis, quels sont les liens de l’Aqmi avec le Polisario?
Il n’y a pas de lien d’organisation entre les deux. Leur idéologie est très différente. Le Polisario est une organisation d’orientation marxiste et nationaliste alors que l’idéologie de l’Aqmi est djihadiste. Cela dit, il y a des liens entre les membres de l’Aqmi et du Polisario. D’ailleurs, certains membres de l’Aqmi se servent de leur contact avec le Polisario. L’un des éléments majeurs qui motiverait les membres du Polisario à rejoindre les rangs de l’Aqmi serait le fait que ces groupes tentent de cibler le Maroc. Des jeunes Sahraouis désœuvrés et qui n’ont pas d’avenir pourraient se laisser séduire facilement par l’idéologie de l’Aqmi. Les camps de Tindouf représentent un potentiel important pour l’Aqmi en matière de recrutement.
Comment s’effectue le recrutement au sein de l’Aqmi ?
Au Maghreb, comme en Europe, trois raisons principales expliquent pourquoi les jeunes se dirigent vers ces organisations. D’abord, la misère. Ce sont des jeunes qui ont perdu tout espoir. Ils n’ont plus d’avenir. En second lieu, le recours à la religion. Au lieu d’essayer de sortir de cette misère, ils se retournent vers la religion. Le problème, c’est qu’ils connaissent mal l’Islam. On leur fait un lavage de cerveau en leur inculquant l’idéologie djihadiste. En dernier lieu, il faut relever que ces jeunes marginalisés par la société rejettent la responsabilité sur le gouvernement et développent une haine envers ceux qui gouvernent le pays. La grande majorité des djihadistes était en situation de faiblesse durant sa vie.
Quels sont les moyens pour lutter contre le terrorisme dans la région ?
Il y a trois actions à mener pour combattre ce fléau. La première est la réponse sécuritaire. Autrement dit, il faut déployer les moyens militaires, les services de renseignements pour détecter et éliminer la menace terroriste. La seconde action est relative au champ religieux. Un travail idéologique et religieux important doit être entrepris. Il faut montrer que l’Islam n’est pas la religion de la violence mais une religion de paix. Ainsi, il faut ramener les jeunes aux vraies valeurs de l’Islam. Enfin, la troisième solution est le progrès social. L’économie du pays doit permettre à ces jeunes exclus de les intégrer dans le marché du travail.