L’affaire de l’avocat agressé à Fès par des membres d’Al Adl Wal Ihsane continue d’occuper l’opinion publique nationale. Cette semaine, c’est l’Organisation marocaine des droits de l’Homme (OMDH) qui s’est saisie de cette affaire. Le bureau de Fès de cette association a tenu une réunion avec Me Mohamed Ghazi, avocat au barreau de Fès, victime d’un piège tendu par des sbires de Abdessalam Yassine, chef sprituel de ce mouvement, pour éclaircir les dessous de cette affaire. Rapportant le témoignage de Me Ghazi, l’OMDH indique dans un communiqué que l’avocat, ex-membre dirigeant d’Al Adl ayant présenté sa démission le 17 mai dernier, avait reçu une invitation de la part du secrétaire régional du cercle politique de la mouvance Al Adl Wal Ihsane pour tenir une réunion le 21 mai. Selon la même source, l’endroit de la réunion était la maison de l’un des adlistes, puis il a été notifié à l’avocat le changement du lieu du rendez-vous. Ainsi, il a été transporté à bord d’une voiture vers un endroit inconnu pour lui. Il s’agissait d’un immeuble inhabité et propriété de l’un des membres d’Al Adl Wal Ihsane. Après être rentré à cette maison, précise l’OMDH, l’avocat s’est retrouvé en face de plusieurs responsables dirigeants de la mouvance du cheikh Yassine. C’est ainsi que Me Ghazi a été dépossédé des clefs de sa voiture, son porte-feuille et son téléphone portable. Les personnes en question ont copié tous les numéros de téléphone enregistrés sur la carte de son téléphone portable. Par la suite, l’avocat a été torturé. Selon le témoignage de Me Ghazi rapporté par l’OMDH, l’avocat a été déshabillé puis torturé de coups successifs surtout au niveau de son organe génital. Il a été également menacé d’être poignardé à mort. Par la suite, l’avocat a été forcé de donner un témoignage enregistré par vidéo avouant qu’il collaborait avec les services de sécurité et qu’il leur transmettait des informations secrètes. Et pour faire plus de pression sur la victime, les sbires du cheikh lui ont fait entendre l’enregistrement sonore d’un CD contenant deux conversations téléphoniques de l’avocat. Vers 21 h 30, après quatre heures d’incarcération et de torture, précise l’OMDH, Me Mohamed Ghazi a été remis en liberté. Consultant un médecin, selon toujours l’OMDH, il a reçu une attestation médicale en date du 24 mai 2010 fixant à 35 jours la durée de son incapacité. Peu de temps après, l’avocat a porté plainte auprès du procureur général de la Cour d’appel de Fès, sans pour autant que les menaces des membres d’Al Adl Wal Ihsane ne soient interrompues, d’après la même source. C’est ainsi donc que les services de la police judiciaire de Casablanca ont procédé à l’arrestation, le 28 juin dernier, de sept membres d’Al Adl Wal Ihsane impliqués dans cette affaire. Il s’agit de Mohamed Slimani, Abdellah Bella, Hicham Houari, Hicham Sabah, Ezz-Eddine Slimani, Abu Ali Mnawar et Tarek Mouhla. Le communiqué de l’OMDH rappelle que Me Ghazi avait rejoint Al Adl Wal Ihsane en 2004. Il a été élu en 2008 membre dirigeant de cette mouvance et membre du bureau de la Ligue des avocats relevant d’Al Adl Wal Ihsane. Les raisons de la démission expliquées par l’avocat se rapportent «à l’existence de contradictions profondes entre le discours politique et la pratique réelle d’Al Adl».
Après avoir rapporté ces faits, l’OMDH exprime, dans son communiqué, sa condamnation vigoureuse de la séquestration et de toutes les formes la torture, les traitements humiliants quelle qu’en soit l’auteur. Cette association rejette et condamne également le recours à la violence et à la séquestration par n’importe quel mouvement politique ou idéologique ou autres, portant atteinte aux libertés et aux fondements de l’Etat de droit.
Les antécédents d’Al Adl Wal Ihsane Al Adl Wal Ihsane a du sang sur les mains. En dehors de l’affaire de la torture de l’avocat Mohamed Ghazi, deux meurtres avaint été attribués à Al Adl Wal Ihsane, un mouvement dont les dirigeants affirment dénoncer la violence. En octobre 1991, Maâti Boumli, un étudiant gauchiste, a été enlevé puis assassiné à l’université d’Oujda. Douze étudiants de ce mouvement islamiste ont été arrêtés puis condamnés à des peines allant jusqu’à 20 ans de prison pour homicide. La Jamaâ de Cheikh Yassine n’a jamais reconnu sa responsabilité dans le meurtre de l’étudiant oujdi. Le deuxième crime attribué à un militant d’Al Adl remonte au 25 février 1993. Benaïssa Aït El Jid, un étudiant gauchiste, ex-responsable du courant baâsiste à l’Université Mohammed Benabdellah de Fès, est assassiné près de cette université. La Jamaâ de cheikh Yassine est, une nouvelle fois, montrée du doigt mais aucun de ses cadres n’est interpellé. Il aura fallu attendre 13 ans. En octobre 2006, Omar Mouhib, un militant d’Al Adl Wal Ihsane, présenté comme le suspect principal de l’assassinat, a été arrêté pour sa participation avérée au meurtre d’Aït El Jid, selon des témoignages. Le procès s’est déroulé devant la Cour d’appel de Fès. Omar Mouhib a été condamné à dix ans de prison. |