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Corse : Les marocains ont peur

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«Arabi fora» (Ara-bes dehors). Cette triste inscription constitue désormais le décor quotidien des Marocains, établis en Corse. Ils font l’objet de l’une des campagnes de racisme les plus violentes de ces dernières années. Attentats à l’explosif, usages d’armes à feu, incendies, aucun moyen n’est épargné pour semer la terreur au sein de la communauté marocaine qui compte quelque 23.000 personnes. Et pour ceux qui n’auraient pas compris, un communiqué, truffé de fautes d’orthographe, a été adressé à l’AFP et à France 3 par un groupuscule nommé Clandestini Corsi. Il y revendique trois attentats, commis au début du mois de juillet. Le premier a ciblé une banque privée appartenant à un Marocain. Les deux autres ont visé une épicerie à Bastia, ainsi qu’une pizzeria dans la banlieue de la même ville. «Ces actions ont un but bien précis : stopper l’immigration qui ronge l’île depuis trop d’années déjà (…), il est inadmissible que cette racaille s’enrichisse sur notre terre», lit-on dans ce communiqué. C’est au moins clair et net. Et pour convaincre de leur détermination, les membres du groupuscule affirment : «Nous sommes en droit de ne pas accepter ce type de population et les plus réticents seront éliminés physiquement». Ces propos ont été qualifiés «d’effarants » par le procureur général au parquet de Bastia, Patrick Lalande, qui a reconnu que «près d’une vingtaine d’attentats à l’explosif ont visé des magasins, des appartements et des entreprises appartenant à des Marocains ».
Et ce chiffre risque de s’alourdir. La voiture d’une famille marocaine a été la cible, vendredi soir à Bastia, d’un attentat à l’explosif. La charge a provoqué un incendie qui a entièrement détruit la voiture en stationnement. Heureusement qu’elle n’était pas occupée. Cet attentat augmente la liste des 30 actes racistes violents, perpétrés en six mois en Corse. La communauté marocaine a peur. Ses commerces sont régulièrement visés, à l’instar de la charge de moyenne puissance, déposée le 24 mai devant l’entrée d’une boucherie appartenant à une famille de Marocains à Porto-Vecchio dans le sud de la Corse.
Cet attentat est intervenu deux jours seulement après une triste action. Le drapeau du consulat du Maroc à Biguglia, une commune au sud de Bastia, a été enlevé et brûlé par des inconnus. Ce n’est pas la première fois que ce consulat faisait les frais de l’hostilité de certains Corses contre les Arabes. Ce bâtiment a en effet été victime dans le passé d’actes à caractère raciste: tags et une tentative d’incendie. La ville de Bastia s’est taillée une funeste réputation dans la géographie des lieux où sont perpétrés les actes racistes les plus violents.
Son maire, Emile Zuccarelli, député du Parti Radical de Gauche (PRG) et ancien ministre de la Fonction publique de la République française, a réagi à l’autodafé du drapeau marocain. Sa réaction était d’autant attendue qu’il est membre du groupe d’amitié entre la France et le Maroc.
«Quelle que soit l’origine de l’acte, je veux redire l’attachement des Bastiais au peuple marocain qui a largement contribué à la libération de notre ville, et ma détermination à ce que les différentes populations qui vivent à Bastia cohabitent pacifiquement dans le respect de chacun», avait affirmé M. Zuccarelli dans un communiqué. Côté marocain, on ne semble pas se préoccuper excessivement de la recrudescence des actes racistes qui visent la communauté marocaine.
Une source autorisée au ministère des affaires étrangères affirme, selon l’expression convenue, «suivre de près le dossier et être en contact permanent avec les services consulaires».
Pendant ce temps-là, les Marocains affrontent dans l’indifférence ceux qui affirment vouloir «casser de l’arabe». Il faut savoir que le niveau du racisme et de la xénophobie s’intensifie en Corse plus qu’en toute autre région de la France. Mieux : le rapport 2003 de la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) indique que la Corse a enregistré davantage d’actes racistes et xénophobes «violents» que l’ensemble des régions de l’Hexagone. Il y a eu en effet 56 actes racistes et xénophobes violents en Corse, contre 36 sur le reste du territoire français.
Certains Marocains refusent de vivre dans la peur ou de se terrer comme des rats. Une dizaine de familles ont quitté l’île qu’on appelle «Ile» de Beauté.

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