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De la noix de muscade impropre à la consommation déroutée vers le Maroc

© D.R

12 tonnes de noix de muscade en provenance d’Europe importées par un opérateur marocain et commercialisées chez nous. Quoi de plus banal et de plus normal. Sauf que la fameuse noix de muscade n’est pas vraiment originaire d’Allemagne comme peuvent l’indiquer les documents de convoyage mais, tenez-vous bien, elle est originaire «d’Inde». Et c’est en décortiquant ces documents que l’on découvre le pot aux roses. En fait, la cargaison de 12 tonnes était d’abord destinée au marché allemand. Mais une fois au port, les autorités européennes ont refusé l’entrée de la marchandise sur leur territoire. Motif : La non conformité aux règles sanitaires de l’Union européenne. La noix de muscade contenait, en effet, des quantités d’aflatoxine trop élevées par rapport aux normes européennes. Du coup, pour ne pas perdre sur cette opération, l’entreprise allemande propose à un importateur marocain de produits alimentaires connu sur la place, de lui racheter la cargaison. Peu importe qu’elle soit ou non conforme du moment qu’elle sera consommée en dehors de l’Europe. Si l’opérateur marocain accepte, la transaction sera effectuée dans la légalité la plus totale. Cela revient, donc, à considérer le Maroc comme une poubelle alimentaire. Rien n’empêche cette cargaison de se vendre au Maroc et au prix fort sous prétexte qu’elle vient d’Allemagne, reconnue pour ses mesures sanitaires strictes. L’arnaque va se faire entre l’opérateur allemand et l’opérateur marocain au détriment du consommateur marocain et en toute impunité. Aucun scrupule et aucune déontologie ne rentrent en jeu face à l’intérêt commercial. Pour leur part, les autorités marocaines n’ont pas encore élaboré aucune législation pour le contrôle des aliments qu’ils soient en provenance de pays étranger ou produits au niveau local. En effet, la réglementation concernant les quantités maximales admissibles en aflatoxines varient d’un pays à l’autre, d’un produit alimentaire à l’autre et d’une aflatoxine à une autre. Sauf qu’au Maroc, il n’existe toujours pas de normes concernant les limites des aflatoxines dans les aliments. En 2006 on parlait déjà d’un projet de normes en cours de réalisation par les services de normalisation industrielle marocaine (SNIMA). Six ans après, la réglementation n’existe toujours pas pour ce qui des céréales, maïs, riz, graines de coton et épices. Seuls sont protégés les aliments pour bétail et le lait et produits laitiers. Il est donc normal que cet opérateur allemand ait directement pensé à adresser sa marchandise au marché marocain devenu, faute d’une réglementation stricte, une véritable poubelle pour l’Europe.
Pourquoi une telle lacune compromettante pour le consommateur marocain entache-t-elle l’image du Royaume? Et quelle loi au juste réglemente cette situation? Voilà des questions que nous avons posées aux services sanitaires marocains et qui sont depuis devenus injoignables. Alors, entre une législation qui tarde à voir le jour et un consommateur qui fait confiance aux autorités de son pays, la faille juridique alimente les poches des entreprises et des importateurs sans scrupule qui, en connaissance de cause, nourrissent tout de même leur sale business. L’exemple de cette cargaison de 12 tonnes de noix de muscade n’est que la face visible de l’iceberg et qui serait restée immergée si des documents n’avaient pas filtré.

  Bachir Hajjaj et Dounia Mounadi

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