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Éditorial : Coupable par définition

La cour spéciale de justice s’est déclarée incompétente dans l’affaire de la banque populaire. C’est une première dans les annales de cette juridiction d’exception qui broyait tous les dossiers qui lui étaient présentés. Ses sentences, souvent à connotation politique, étaient tellement prévisibles que les accusés étaient condamnés d’avance. Ils sont jetés en pâture médiatique, voire à une certaine vindicte populaire et souillés de haut en bas pour des crimes sur lesquels la justice n’a pas encore statué. Dès que la destination des accusés vers la CSJ est connue, il n’existe plus de présumé coupable, ni d’innocent ni de complice, y compris celui du plus bas niveau. Mais rien que des coupables jugés par définition. La présomption d’innocence est bannie du lexique des décideurs politiques, de la presse et par ricochet de toute l’opinion publique. A preuve, dans toutes les grandes affaires traitées par cette juridiction telles que le CIH , la CNCA ou la BP, nombreux sont les accusés qui ont été acquittés. Mais personne d’entre eux n’a échappé à cette hérésie juridique de la presse , des politiques et autres faiseurs d’une morale qu’ils ne respectent même pas. Ceci étant, la justice doit être faite et contrairement à ce que nous a écrit l’ami lecteur, Mouncif Belfkih, notre journal n’a jamais plaidé pour l’impunité. Bien au contraire, dans un Etat de droit comme le nôtre, personne ne doit être au-dessus de la loi, ni bénéficier de quelque privilège juridique quel qu’il soit. Reste que dans une phase de transition comme celle que traverse notre pays, notre conviction profonde est de prôner l’amnistie conditionnelle pour les crimes économiques. Il y a bien eu des amnisties politiques, de droit commun et autres pour les années noires de notre histoire. La réconciliation dans le délit économique consiste à ce que la personne accusée de détournement rembourse l’argent des contribuables en contrepartie d’un élargissement. Dans tous les pays du monde et parmi les plus démocratiques d’entre comme la France et les Etats-Unis, beaucoup de coupables avérés ont été amnistiés pour une raison ou une autre. Ceci étant, le dossier de la banque populaire ne va pas être enterré mais il sera transmis à une juridiction ordinaire dont les juges y statueront en leur âme et conscience. Dans le tribunal de première instance ou la cour d’appel, ils bénéficieront de tous leurs droits d’accusés contrairement à ce que leur réserve la CSJ. C’est un secret de polichinelle, cette cour d’exception n’a plus sa place dans notre environnement judiciaire et politique. Par ses sentences expéditives d’antan, elle a brisé bien des hommes, des carrières et des familles toutes entières. Beaucoup de personnes dont les accusations de corruption ou de dilapidation des deniers publics n’ont jamais été étayées par les faits, vivent aujourd’hui dans la précarité et traînent des séquelles irréparables. La plupart d’entre elles ont été victimes de règlement de comptes orchestrés par des décideurs qui ne sont aucunement innocents dans leur gestion des affaires publiques. Comme quoi, la justice doit être appliquée à tout le monde sans exception aucune mais loin de toute juridiction d’exception.

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