Comme prévu depuis longtemps, les quotas sur les exportations en matière de textile ont été supprimés dès le 1er janvier 2005. Une date qui entrera désormais dans l’histoire de l’industrie textile au Maroc comme ailleurs puisqu’elle marquera le début de la plus grande crise que le secteur ait connue.
La situation s’annonce d’ores et déjà catastrophique. Car, avec l’entrée en vigueur de la suppression des quotas, les opérateurs nationaux dans le domaine du textile, à l’instar de leurs homologues du monde entier, doivent désormais entrer en compétition avec les industriels chinois et indous, connus aussi bien pour le grand volume de leurs exportations que les prix très bas du prix de revient de leurs productions. Contraints, avec le premier janvier, de se plier aux règles des quotas pour accéder aux marchés de l’Union européenne et des Etats-Unis, ces deux pays sont aujourd’hui libres d’exporter leurs produits vers ces deux entités. Rien ne peut donc plus arrêter ni leur expansion ni la véritable inondation des marchés étrangers qu’ils préparent depuis déjà longtemps. Au Maroc, les experts s’attendent à une chute sans précédent du secteur et à des fermetures massives d’unités industrielles. Ce qui ne sera pas sans compliquer une situation sociale déjà très compliquée. D’autant que le secteur est loin d’être de faible importance. Quelques chiffres s’imposent.
Le textile constitue 49% des revenus à l’exportation au Royaume. Il est le premier secteur industriel en matière d’emploi dont il représente 43% des postes de travail avec plus de 200.000 employés répartis sur quelque 1.600 entreprises à travers le pays. C’est dire que les dégâts seront de taille. La suppression des quotas provoquera, d’entrée, la disparition de 18% postes d’emplois et fera perdre à cette activité un tiers des exportations industrielles du Maroc. Et ce n’est là que le schéma le plus clément. Les études élaborées par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) avancent un impact qui sera plus grave. Un rapport de cette organisation prévoit la disparition de 50.000 emplois au Maroc à cause de la suppression des quotas sur les exportations du textile.
Pour les experts de cette organisation, la raison de cette énorme perte d’emplois est très simple. Il s’agit de l’écart existant entre les salaires pratiqués au Maroc et ceux qui sont appliqués en Chine ou en Inde. Le SMIG marocain étant dix fois plus important que le salaire minimum chinois. Un écart aussi énorme qu’il ne laisse aucune chance à l’industrie marocaine. Toutefois, le Maroc peut tirer un avantage de sa proximité géographique avec l’Union européenne, ce qui permettrait à certaines entreprises de résister au raz-de-marée chinois si elles parviennent à s’adapter.
Pour ce faire, il faut que nos industriels puissent abandonner le système traditionnel des sous-traitances qui constituent la part du lion de leurs marchés et de s’adonner à de nouvelles filières, notamment dans la confection de haute qualité. Un impératif qui n’élude en rien une dure réalité. Celle que le Maroc s’apprête à affronter l’une des crises les plus graves de son industrie. Une situation délicate qui se présente devant nos décideurs politiques et nos opérateurs économiques qui doivent faire preuve de créativité pour rattraper un marché dont les toiles seront désormais tissées très loin de chez nous.