C’est une lapalissade : le Premier ministre, Driss Jettou, ne laissera jamais une bonne impression sur l’opinion publique, quelles que soient ses bonnes intentions. D’abord, l’homme est très effacé et trop technocrate pour être un bon politique et encore moins à la tête de la primature. Il a vraiment raté sa vocation en quittant la sphère des affaires puisqu’il n’a pas réussi à s’en détacher en gerant les affaires publiques comme s’il dirigeait une entrprise. De fait, il est resté l’otage de son affairisme et tributaire de la famille du patronat à laquelle il n’a pas cessé de faire des concessions. C’est pour cette raison qu’il reste beaucoup plus proche de cette corporation restreinte que de la majorité des citoyens qui n’ont entendu parler de lui que le 25 novembre 2002 et le 16 mai 2003. Deux tristes repères pour un homme trop gentil qui s’est trouvé là où il ne devrait pas être pour gérer l’impondérable du social, de l’économie, de la politique et de la nature. C’est trop pour un homme sans expérience politique et qui n’a pas, de surcroît, roulé suffisamment sa bosse dans le domaine public. A tel point que certains n’hésitent pas à le taxer de malchanceux, en lui imputant les malheurs qu’a connus le Maroc ces derniers temps. En une année de gouvernance, ces esprits cartésiens ou fatalistes (c’est selon), mettent sur le dos de Driss Jettou les inondations, l’incendie de la SAMIR du 25 novembre 2002 et les attentats terroristes du 16 mai. Trois catastrophes meurtrières qui ont complètement changé la donne politique, économique et sociale du Maroc. D’aucuns estiment à juste titre qu’après de telles débandades aggravées par la mascarade des élections des présidents de communes, le Premier ministre ne fait plus l’affaire. Il faut avouer que sa nomination surprise a déjà fait de lui un homme impopulaire dans un contexte de transition politique où tout le monde attendait un Premier ministre de la majorité parlementaire. Même s’il a réussi à former une majorité gouvernementale, aussi hétérogène soit-elle, il n’est jamais arrivé à s’imposer en tant que meneur d’hommes. D’autant plus que son gouvernement fonctionne à deux vitesse, avec une garde rapprochée de technocrates, et une kyrielle de ministres politiques en déshérence. A preuve, le Premier ministre qui a essayé de rassembler ce puzzle pour en faire un bloc aux élections communales a complètement raté son coup et ridiculisé son gouvernement. Le naufrage de la majorité dans les élections des présidents de communes dans les petites et grandes villes, sonne le glas pour un homme qui ne contrôle rien face à des partis incontrôlables. Les directions de ces derniers étant, elles-mêmes, déboutées par leurs militants qui s’allient avec l’opposition pour battre la majorité gouvernementale. Si ce n’est pas une crise politique que nous vivons avec ces alliances contre nature qui trahissent l’électorat, c’est que la politique est un jeu d’enfants. Or Driss Jettou ne dirige pas une crèche, mais un pays qui vit les plus difficiles moments de son Histoire. Il est difficile d’imaginer un Premier ministre technocrate dans un pays miné par un terrorisme ambiant, une situation socio-économique alarmante et des défis politiques à surmonter comme celui du Sahara marocain.