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Éditorial : Le cocon et le papillon

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Parfois les mains sont plus loquaces pour dire la souffrance endurée. Les mots deviennent rapidement dérisoires quand le souvenir de la douleur et du chagrin se fait tenace. Hayat Filali M’Daghri, l’ex-épouse de Hicham Mandari, une femme – la trentaine tourmentée – traquée par son histoire personnelle ne se livre pas facilement. Ses mains nouées parlent avant elle, et sa bouche suit à peine.
Un débit exténué, une respiration lente et des yeux qui vont dans tous les sens. Entre Bouznika et Paris, en cette fin d’été 2004, elle raconte doucement ce qu’a été sa vie avec Hicham Mandari. De temps en temps, sa petite fille Rachida – avec une ressemblance plus que touchante avec son père – vient perturber l’ordonnancement pudique des discussions.
Hayat Filali M’Daghri ne se livre pas. Elle exorcise sa vie. Elle dit sa vérité, toute simple, sur une affaire qui a pris des proportions inimaginables, alors, pour elle. Elle, une jeune fille qui a grandi dans le giron de la Cour, avec une éducation qui ne prépare ni à la cavale, ni à la fourberie, se trouve projetée dans des espaces où l’on parle avec aisance de chantage, d’escroquerie et de filiation douteuse. Hayat, programmée pour une vie confortable et tranquille, se voit obligée de faire face à la violence des hommes et des situations.
En 1994, elle épouse Hicham Mandari, qu’elle avait connu trois années auparavant. Un fanfaron, un peu grande gueule, qui tient plus de l’homme de main plus que du stratège ou du joueur d’échecs international. Il sait plus faire parler le baroud, ou ses muscles, que son intelligence, déjà, reconnue, comme limitée. Elle ne savait pas, après quatre années d’un mariage boiteux, où la violence venait souvent rendre visite au couple, qu’en juillet 1998 sa vie allait basculer. Elle part en France, et elle se retrouve, avec sa fille, en train de sillonner les Etats-Unis avec, dans un premier temps, les Fédéraux aux trousses, ensuite avec un mari en taule, et enfin, dans le collimateur d’une racaille cosmopolite qui ne veut, bien sûr, que du bien au Maroc et à son jeune Roi.
Profitant d’une fin de règne difficile avec la longue maladie de feu S.M Hassan II, Hicham Mandari a commis -pour le compte de qui et avec quelles complicités ? – au détriment du Souverain défunt une grosse escroquerie. Depuis sa fuite, pris en charge par des milieux interlopes et malfamés, on a voulu le faire passer pour un homme politique, un dissident ou un opposant. Le cocon n’est pas devenu papillon : il est mort.
Hayat Filali M’Daghri était aux premières loges. Elle a vu, jusqu’à son retour au Maroc, en janvier 2001, et son divorce, comment Hicham Mandari a progressivement perdu le contrôle de son destin et de sa vie. Hicham Mandari victime d’une nébuleuse anti-marocaine et nihiliste qui a fini par le liquider, parce qu’il savait trop sur elle est une thèse que, pour l’instant, aucun observateur sérieux ne peut réfuter. Hicham Mandari mis hors d’état de nuire par des complices auxquels la succession, malgré tous les coups tordus possibles, n’a pas finalement profité, n’est pas à exclure. La piste marocaine n’est pas, de prime abord, celle à laquelle on pense : celle de la liquidation archaïque et contreproductive d’un opposant par des services spéciaux. Cette piste, si on est perméable à l’honnêteté intellectuelle, peut être, effectivement, d’origine marocaine, mais pas au niveau caricatural et ridicule où l’on veut la placer. La vérité est ailleurs. Il faut la chercher dans la vie tumultueuse elle-même de Mandari, et dans ses relations avec ses complices averés et ses amis putatifs.
En tout cas, aujourd’hui personne ne peut faire semblant d’ignorer le témoignage, sensible et saisissant, de Hayat Filali M’Daghri. Cette jeune femme ne fait ni parler un mort comme certains l’ont fait avec cynisme, ni régler des comptes obscurs. Elle témoigne pour sa vie et celle de sa fille. Et peut-être pour la mémoire de celui qui a été son mari.

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