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Éditorial : Le suicide des floués

L’escroquerie Annajat a fait sa première victime. Il s’agit d’un jeune de Beni Mellal qui a mis récemment  fin à ses jours en signe de désespoir. À l’instar de milliers de Marocains pris au piège de ce qui fut présenté en 2002 comme une opportunité d’emploi inespérée à bord de bateaux de croisière à l’étranger, Abdelhakim Hachmi a cru qu’il allait pouvoir réaliser son rêve de travailler sous d’autres cieux. Grosse désillusion. L’opération de recrutement s’est avérée être une gigantesque fumisterie montée par une société émiratie du nom d’Annajat et exécutée sur le terrain par l’Agence nationale de la promotion de l’emploi et des compétences ( Anapec) dirigée alors par Chafik Rached . Plus grave et étonnant à la fois, le ministre de l’Emploi de l’époque,  le leader de l’Istiqlal Abbas El Fassi,  a cautionné cette affaire devant le Parlement et à la télévision alors qu’elle sentait l’escroquerie à plein nez.
Malgré les mises en garde répétitives de notre journal qui avait douté, preuves à l’appui, de la sincérité de cette offre d’emplois à travers plusieurs dossiers, on a continué à recruter les candidats aux quatre coins du pays, attirés par une proposition alléchante en termes de salaire et d’avantages. En outre, les candidats devaient supporter eux-mêmes les frais de la visite médicale fixée à 900 DH et confiée à la clinique casablancaise Dar Assalam. La source d’argent se trouvait là. Une manne extraordinaire estimée à plusieurs millions de dirhams que les escrocs et leurs complices marocains se sont partagés, ne laissant que leurs yeux pour pleurer à plus de 60.000 floués.
Kenya, Syrie, Roumanie… La société Annajat avait fait plusieurs victimes dans ces pays et d’autres avant de jeter son dévolu sur le Maroc. Mais ce dernier fait figure d’exception puisqu’il est le seul où les responsables n’ont pas été sanctionnés jusqu’à ce jour. Certes, l’affaire a été portée devant la justice par le gouvernement mais, semble-t-il, pour mieux l’enterrer. Quant à Abbas El Fassi, il a refusé de reconnaître sa faute, préférant  botter en touche et faire assumer la responsabilité au gouvernement Youssoufi. L’impunité totale.
Trois années plus tard, les victimes, elles, attendent toujours d’être rétablies dans leurs droits. En vain. De manifestation en sit-in dans  différentes régions du Royaume, elles sont pour la plupart désespérées menaçant de s’immoler par le feu si rien n’est fait pour leur trouver du travail.
Combien faut-il de suicides pour que les autorités daignent prendre à bras-le-corps le drame de ces jeunes en détresse? Abbas El Fassi aurait pu se racheter s’il avait mis à profit son poste de ministre d’État sans portefeuille pour tenter de régler un problème dont il est politiquement responsable. Mais, peut-on continuer à avoir la conscience tranquille après le drame de Beni-Mellal ? 

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