A des opérateurs économiques marocains qui lui demandaient récemment où est la croissance après que le taux eut été de moins de 2% cette année, le Premier ministre Driss Jettou a rétorqué tout de go : elle n’est pas dans ma poche. Réponse claire qui renferme plusieurs significations. D’abord celle-ci. La croissance ne se décrète pas par décision politique. Elle se construit sur la durée par des projets productifs créateurs d’emplois et de richesse.
L’investissement public fonctionne en ce sens que l’État injecte régulièrement des fonds colossaux dans les infrastructures nécessaires ( routes, autoroutes, ports, électrification, habitat…) tout en tentant de remédier à une situation sociale des plus difficiles.
Mais le déficit le plus important touche sans conteste l’investissement privé national qui n’est pas à la hauteur des aspirations et des besoins du pays pour amorcer son décollage économique. Or, ceux-là mêmes qui sont censés contribuer à ce dernier par un acte d’investir conséquent et durable revendiquent la croissance comme un droit syndical. Un discours qui ne tient pas la route autour duquel ils ont bâti tout un laïus sur l’absence de visibilité et de manque de confiance qui revient comme une litanie, servant plus à justifier l’inanité de leur action qu’à trouver des réponses convaincantes.
Or, ces deux facteurs essentiels ne sont possibles que si une économie quelle qu’elle soit est adossée à une communauté des affaires entreprenante et agissante, qui a le goût du risque et fait preuve constamment d’innovation et de patriotisme. C’est le seul moyen de sortir d’un système de rente – dénoncé dans le dernier discours du Trône – caractérisé par un chassé-croisé d’intérêts personnels qui ne profitent qu’à une poignée d’individus. Cependant, l’administration marocaine a aussi une grande part de responsabilité dans la perpétuation de cette situation puisqu’elle lui arrive de freiner encore par divers procédés l’élan des investisseurs nationaux et étrangers souvent pour protéger de manière intéressée un monopole ou des positions acquises. Ce qui fait que le choix par le Royaume du libéralisme comme modèle économique ne se vérifie pas tout le temps sur le terrain.
Pour s’en sortir sur le plan économique, le Maroc doit pouvoir compter sur un système bancaire et financier qui favorise l’accès aux crédits pour les porteurs de projets intéressants et sur une administration – y compris sa composante judiciaire – qui joue le rôle de facilitateur pour tous ceux qui ont des investissements utiles à développer dans tel ou tel secteur.
En attendant, le budget de l’État soulève quelques inquiétudes. La Banque Mondiale n’est pas non plus rassurée sur ce volet notamment avec l’amenuisement des recettes des privatisations et la baisse des rentrées douanières. Il faut d’ores et déjà trouver d’autres sources de revenus pour financer le train de l’État et continuer à injecter de l’argent dans les infrastructures.