Le Maroc passe à l’étranger pour être un pays qui maltraite et tue même les clandestins subsahariens alors qu’il est victime de ce mouvement migratoire sans précédent. Un phénomène de grande ampleur qu’il n’a pas les moyens d’affronter tout seul. L’image du Royaume s’en trouve ainsi gravement écornée: d’Amnesty International à Médecins sans frontières, nombre d’organisations internationales de défense des droits de l’Homme, émues par les images de ces cohortes d’immigrants en haillons et démunis, tiennent le Maroc responsable d’une situation de crise qui le dépasse largement.
Au moment où Rabat a besoin de l’aide de l’Union européenne et surtout de l’Espagne, Madrid n’a rien trouvé de mieux que de s’empresser à se défausser sur son voisin du sud. Comment ? En le poussant à la limite du harcèlement à réactiver, en plein drame humanitaire des Subsahariens, un accord de rapatriement au Maroc des migrants irréguliers infiltrés en Espagne ! Le premier groupe de refoulés est arrivé, jeudi à Tanger.
À moins qu’il s’agisse d’une attitude masochiste, on a du mal en fait à comprendre pourquoi les autorités marocaines ont accepté d’appliquer aujourd’hui les termes d’un accord ratifié en 1992 et qui de ce fait ne concernait pas à l’époque les immigrants subsahariens dont le problème ne se posait pas du tout.
Il concernait plutôt une poignée de clandestins marocains et algériens qui s’infiltrait de temps en temps en Espagne à partir du territoire marocain. Évidemment, le contexte est complètement différent aujourd’hui. Les candidats au départ ne sont pas les mêmes aussi. Ce sont de nouveaux migrants illégaux venus de pays africains ravagés par la guerre et la famine et se comptant par plusieurs milliers qui assaillent le Maroc en permanence dans l’espoir de gagner l’Eldorado européen.
Et puis, Madrid n’est pas sans savoir que Rabat n’a pas les moyens d’accueillir sur son sol des flux de personnes indésirables en Europe qui plus est sont impossibles à rapatrier chez elles en raison du refus de révéler leur nationalité. Tout se passe comme si l’Espagne sous la pression de son opinion publique et de la droite aznariste tenait absolument à refiler la patate chaude au Maroc. Fait aggravant, ce dernier n’a pas brillé par une bonne gestion de ce dossier ni sur le plan de la communication ni sur celui de la politique.
Les images des opérations de ratissage menées par les forces de sécurité marocaines, telles qu’elles sont diffusées à la télévision, ont fini par se retourner contre le Maroc alors qu’elles sont censées montrer à l’Espagne sa participation active dans la lutte contre le phénomène migratoire.
Autre dysfonctionnement et non des moindres, cette impression d’absence, côté marocain, de la dimension diplomatique dans le traitement de ce fléau. Résultat : seules sont parlantes les scènes de Subsahariens en détresse, diffusées en boucle par les chaînes de télévision internationales.