ALM : Le ministère des Finances et de la Privatisation a eu du mal à boucler le projet de loi de Finances pour l‘exercice 2006. Quelles en sont les raisons?
Mohamed Ali El Hassani : Tous les observateurs s’attendaient évidemment à ce que le gouvernement rencontre de grandes difficultés pour boucler le budget de l’année prochaine. Et ce pour de nombreuses raisons. La première se rapporte à la conjoncture économique nationale marquée par une forte facture pétrolière. Avec les envolées du prix de pétrole sur les marchés internationaux, cette facture pèse lourdement sur le budget de l’Etat.
Les répercussions ont d’ailleurs été visibles cette année avec la double hausse du prix des produits pétroliers à la pompe. Tout indique qu’il en sera de même l’année prochaine aussi.
La deuxième raison a pour sa part trait à la privatisation. Il n’est un secret pour personne que les plus beaux bijoux ont déjà été cédés au public. Ce qui reste actuellement entre les mains du gouvernement sur la liste des privatisables est loin d’être aussi attractif que Maroc Telecom ou la Régie des Tabacs. Toutes les belles affaires ont été vendues. Pour ce qui est de la troisième raison, elle concerne cette morosité qui sévit actuellement dans le paysage économique national.
Le marché est grippé et la très moyenne campagne agricole due à la sécheresse, n’est pas pour arranger les choses. Il ne faut pas omettre de signaler que le Maroc est un pays à vocation agricole même s’il reste déficitaire à ce niveau-là. Toute l’économie demeure tributaire de la pluviométrie, ce qui impose la gestion de contraintes importantes. Nous sommes actuellement à la mi-octobre et il n’a toujours pas plu. Dans ce contexte, il devient impératif de faire montre d’ingéniosité et de créativité.
Le projet de loi actuellement en discussion au gouvernement prévoit une grande suppression des exonérations fiscales accordées à plusieurs secteurs. Est-ce une manière d’équilibrer le budget ?
Dans l’état actuel des choses, ce n’est pas un luxe que de rechercher des rentrées supplémentaires d’argent, avec tous les chantiers ouverts, notamment sur le plan social et les défis à relever. D’aucun ignorent qu’instaurer une exonération devrait s’accompagner d’une rentabilité économique. Les excès d’exonération ne pourraient bien évidemment pas être une bonne chose pour un secteur économique donné.
Mais décider du jour au lendemain leur suppression ne l’est pas non plus. Ce qu’il faudrait à ce sujet mettre au point est une réforme globale de la fiscalité basée sur le principe de l’égalité de tous devant la loi mais permettant une certaine souplesse.
Maintenant, il est clair que le gouvernement, pour arriver à boucler un budget très serré, doit faire appel à ses recettes fiscales. Mais au lieu d’opérer de manière très aléatoire, le département concerné aurait dû s’attaquer à des niches à fort potentiel.
C’est le cas par exemple de la fiscalité des grands groupes holdings ou autres qui, et ce n’est là un secret pour personne, recourent à des “gymnastiques” proches aux pratiques d’évasion fiscale. Voilà un filon à suivre, sans pour autant que cela ne se transforme en une chasse aux sorcières.
Qu’en est-il de la TVA ? Le projet en discussion prévoit son uniformisation à deux taux. Quelles en seraient les conséquences ?
La TVA est un problème extrêmement complexe. La règle économique voudrait que l’idéal serait d’avoir de moins de taux possible. Plus cette taxe est simplifiée, mieux c’est aussi bien pour l’Etat que pour les acteurs économiques privés ou les individus. Mais il va sans dire que toute augmentation de la TVA engendrait systématiquement une augmentation des prix des produits de consommation. En conséquence, l’inflation augmenterait et le pouvoir d’achat des Marocains en prendrait un coup. Et c’est là où les ménages moyens trinqueront. C’est pour ces raisons qu’il faudrait manier ce dossier de la TVA avec prudence.
Autres mesures prévues par ce projet de loi de Finances, une baisse des droits de douane concernant plusieurs produits. Etait-ce prévisible ? Cette baisse ne risquerait-elle pas de pénaliser davantage le budget de l’Etat ?
Ces baisses de droits de douane s’inscrivent dans le cadre des différents accords commerciaux et de libre-échange que le Maroc a signés avec de nombreux pays. La baisse a ainsi été notifiée sur un planning connu à l’avance.