Abdelkrim El Khatib s’invite de nouveau sous les feux de l’actualité. Dans un entretien à l’hebdomadaire arabophone «Al Jarida Al Oukhra», l’ex-patron du PJD tient des accusations d’une extrême gravité contre Mehdi Ben Barka, l’une des figures les plus emblématiques du Maroc d’après l’Indépendance érigée en symbole par l’USFP et dont on vient de célébrer le quarantième anniversaire de sa disparition.
Dans cet entretien, M. El Khatib accuse Mehdi Ben Barka d’avoir été derrière les assassinats de résistants marocains juste après l’Indépendance à travers des milices que ce dernier
aurait lui-même dirigées. «Ben Barka a demandé à Mohamed Belahcen (résistant) d’assassiner Brahim Roudani (syndicaliste et militant). Il m’a demandé personnellement d’ordonner l’assassinat de Fatmi Benslimane, président du gouvernement après Aix-Les-Bains.», répond El Khatib qui persiste et signe dans l’entretien accordé à ALM (voir ci-contre).
Pour ce dernier, Mehdi Ben Barka aurait voulu, coûte que coûte, éviter que Fatmi Benslimane accède au gouvernement, l’un des premiers exécutifs du Maroc indépendant. El Khatib, interrogé sur le fait de savoir s’il a eu des inimitiés avec Mehdi Ben Barka, affirme qu’il a connu ce dernier à Rabat en 1936 et que Ben Barka voulait s’accaparer le pouvoir et y travaillait usant de tous les moyens, licites et illicites. «Ben Berka cherchait à renverser le régime de Hassan II», martèle le père spirituel du PJD qui affirme d’ailleurs que des témoins sont toujours en vie et qui pourraient attester de la véracité de ses dires. Il cite, entre autres résistants toujours en vie, Abdelkader Belahcen et Mokhtar Zerfaï. Il y a quelques jours, Abdelkrim El Khatib faisait lire une intervention écrite devant une réunion de l’Union des mouvances populaires (UMP) où il déclarait que l’on ne devait pas faire de Ben Barka une « idole ». Des propos similaires avaient été tenus par Mahjoubi Aherdane critiquant sévèrement les pratiques du parti de l’Istiqlal juste après l’Indépendance.
Les deux hommes ont d’ailleurs cela de commun qu’ils ont
été parmi les premiers à avoir critiqué la mise en place de l’IER par Sa Majesté le Roi Mohammed VI.
Contacté par ALM, Abbas El Fassi, secrétaire général du PI (parti de Mehdi Ben Barka avant la scission), n’a pas souhaité faire de commentaire. «Je me refuse à tout commentaire concernant les propos du Dr. El Khatib, mais je dis c’est aux historiens que doit revenir la parole pour trancher. », affirme Abbas El Fassi. Un autre leader de l’Istiqlal, qui a requis l’anonymat, déclare qu’il ne faut pas prêter attention aux déclarations du Dr. El Khatib qui «appartient à une autre génération» et qu’il vaudrait mieux vivre le présent et songer aux vrais enjeux du Maroc d’aujourd’hui.
Jusqu’à l’écriture de ces lignes, l’USFP, parti dont les militants qualifient Ben Barka de « Aâriss Achouhada’e» («Prince des martyrs»), ne s’est pas exprimé officiellement en réaction aux propos de Abdelkrim El Khatib. La presse USFP non plus.
Abdelhamid Jmahri, journaliste et membre du Conseil national ayant dédié plusieurs écrits à Mehdi Ben Barka et Omar Benjelloun, lie les déclarations du Dr. El Khatib aux derniers développements que connaît le travail de l’IER. «Pour moi, chaque fois que l’on s’approche de la vérité et que l’Ier est à la veille d’une annonce capitale, on retrouve El Khatib au tournant. Il avait traité les victimes des violations des droits de l’Homme de «voyous» et là, il persiste et signe en s’attaquant à l’Istiqlal et à l’USFP». Pour Jmahri, «il est de notoriété publique que Abdelkrim El Khatib déteste Mehdi Ben Barka et les nationalistes, mais il est possible qu’il considère qu’il a ou aura des comptes à rendre d’où cette fuite en avant». Le chercheur socialiste fait allusion à la présumée implication d’El Khatib dans l’assassinat de Omar Benjelloun vu qu’il a été nommément cité pour une réunion « préparatoire » qu’aurait abritée sa ferme en présence d’éléments de la Chabiba
Islamiya. «El Khatib, plus royaliste que le Roi, doit être avec
le Roi. A la place, il minimise, sinon sape le travail de S.M. Mohammed VI», conclut Abdelhamid Jmahri.
Les propos de l’ex-patron du PJD arrivent au moment où l’IER est à quelques jours, sinon heures, de la fin de son mandat et dont le rapport est très attendu par l’USFP. Mais aussi au moment où le juge français Patrick Ramaël de trouve au Maroc pour l’exécution de la cinquième Commission rogatoire dans l’affaire Ben Barka. Ce qui fait beaucoup de coïncidences à la fois.