Septembre 2003. Le Maroc, qui n’avait pas encore pansé les plaies du 16 mai, se réveillait à une autre triste réalité et enregistrait une première. C’est à la fin de ce mois, en effet, que la chambre criminelle près la Cour d’appel de Rabat rendra son verdict contre les jumelles Sana’e et Imane Laghriss. Procès très médiatisé, c’est un autre visage, encore plus répugnant, qu’on découvrait aux maîtres recruteurs de la mouvance intégriste.
Même pas quinze ans, Imane et Sana’e seront envoyées à l’ombre pour cinq ans. Depuis, elles purgent leur peine au pavillon des mineurs à Salé.
Les jumelles Laghriss sont l’exemple vivant des dégâts que peuvent occasionner les recruteurs intégristes. Enfance difficile, agressions multiples de l’entourage et de gens sans cœur, Imane et Sana’e géraient leur quotidien comme elles pouvaient, mendiant par ci, travaillant comme bonnes par là. Leur mère, réduite à l’état de paria depuis longtemps, ne pouvait plus rien pour elles.
Leur destin changera lorsqu’elles feront la rencontre de Abdelkader Labssir, ex-soldat récupéré par les obscurantistes et condamné lui aussi à 16 ans de prison.
Les fillettes feront parler d’elles en allant distribuer dans les quartiers huppés de Rabat des tracts menaçant de s’en prendre à des personnalités politiques, au Parlement, au supermarché « Label vie » de Souissi et au restaurant « L’entrecôte ». Les membres de la famille royale sont cités comme cibles potentielles également.
Paradoxalement, le salut des jumelles passera par l’imam d’une mosquée de Hay El Farah à Rabat. Ce dernier a reçu un écrit demandant une Fatwa quant aux projets des deux sœurs. Il aura la présence d’esprit d’alerter la police. L’enquête s’emballe, mais personne ne croyait vraiment à la chose. La police et la justice sont raillées. En public comme dans certains journaux jusqu’à ce que tout soit révélé quant aux vrais manipulateurs. Ceux qui avaient profité de la naïveté des fillettes et surtout de leurs conditions sociales pour tirer les ficelles.
En relation avec ce dossier, et outre le sinistre Labssir, plusieurs autres personnes seront arrêtées et jugées et dont un chauffeur de taxi.
Une troisième adolescente, vivant des conditions aussi misérables que les deux autres, a été acquittée. Hakima Rajlane a eu la présence d’esprit de « se retirer » du groupe avant que les choses n’atteignent un certain degré de dangerosité.
Malgré un recours en appel, les sœurs Laghriss n’ont pu bénéficier d’une réduction de peine vu qu’au moment de leur procès, la nouvelle procédure pénale (prévoyant des procès devant des chambres criminelles de 2e degré) n’était pas encore entrée en vigueur.
Pire encore, les deux sœurs, même en prison, n’étaient pas totalement guéries de leur fréquentation des barbus incendiaires. Elles sont poursuivies depuis plusieurs mois pour atteinte aux valeurs sacrées de la Nation. Dans leur cellule ont été découverts des tracts écrits à la main s’en prenant à la personne du Roi…