De nombreux chercheurs s’accordent à dire que ce sont les Espagnols qui ont introduit le cannabis indica ou le chanvre indien au Maroc dans la deuxième moitié du 19-eme siècle. Fort prisée pour la qualité de sa fibre, la plante était cultivée pour servir à la fabrication entre autres de voiles de bateaux, de cordages, de ficelle et même de vêtement militaires.
Les chinois-eux, en avaient découvert un autre usage, il y a plus de 45 siècles. Ils l’utilisaient avec beaucoup de succès dans la fabrication de pâte à papier.
Peu coûteux à entretenir, le chanvre accepte beaucoup de substrats, pousse rapidement, résiste à la maladie et à la sécheresse et surtout donne des récoltes au bout d’à peine 4 mois. Plante prolifique, certaines études estiment que le chanvre peut donner 24 tonnes de biomasse par hectare, ce qui le situe loin des arbres pour pâte à papier qui atteignent à peine les 5 tonnes de biomasse par hectare et mettent une vingtaine d’année pour régénérer après chaque utilisation.
Autant de qualités, avaient tôt fait de mettre les stratèges sur la piste du chanvre, mais pour une utilisation industrielle cette fois. Selon certains auteurs, le département américain de l’agriculture avait mis au point, entre les deux guerres mondiales, un procédé industriel pour la fabrication de la pâte à papier à partir de la fibre de chanvre. Non seulement. La matière peu coûteuse, nécessitant une main d’oeuvre peu qualifiée et donnant plusieurs récoltes, allait revenir moitié moins chère que la solution des arbres.
La solution qui allait aboutir, a cependant buté sur les intérêts des puissants fabricants de papier. Ces derniers, rapportent des études, investissaient à l’époque des milliers de dollars pour acquérir des forêts, les couper et les traiter pour la fabrication de pâte à papier. Il se trouvait qu’ils étaient aussi propriétaires de puissants organes de presse. Il s’en suivit une vaste compagne contre les méfaits du chanvre, qui se solda en 1937 par l’adoption aux Etats-unis du «Marijuana Tax Act», rendant la production de chanvre extrêmement onéreuse. La prohibition n’a pas tardé, tant aux USA qu’en Europe.
Aujourd’hui, alors que les forêts sont détruites par milliers d’hectares pour fabriquer du papier, que les effets de serre consécutifs suscitent l’inquiétude des principales capitales mondiales, que la pauvreté pousse des centaines de personnes braver les périls de l’immigration clandestine, la solution du chanvre, précurseur de pâte à papier refait surface. Et si le Maroc se transformait en riche exportateur « d’or vert » ?