C’est, en effet, une prise de position claire qui va dans le sens que nous lui avons toujours prêté, à savoir qu’il s’agit d’un conflit bilatéral entretenu artificiellement par nos voisins pour une question de leadership. Exit le polisario, dans cette logique, dans la mesure où il n’est que l’instrument de la politique expansionniste d’Alger. Pour la diplomatie américaine, le conflit du Sahara paraît compliqué non par lui-même, mais par les enjeux que lui attribue la partie algérienne. Elle en fait un fonds de commerce pour ses problèmes de politique domestique et pour sa place dans l’échiquier international. Et, si les droits historiques et légitimes du Maroc sur ses provinces du Sud continuent de susciter les convoitises, c’est bien parce que l’Algérie bénéficie de parapluies de milieux intéressés par son gaz et son pétrole. L’Europe n’en pense pas moins. La France, par la voix de son courageux Président Jacques Chirac, n’a cessé de répéter que le conflit est bilatéral et qu’il doit trouver son issue à travers une solution négociée par le Maroc et l’Algérie pour éviter toute menace de déstabilisation dans la région maghrébine. Le reste de l’Europe le pense aussi, même si pour de nombreux hommes d’État européens, il vaut mieux escamoter la question pour ne pas se mouiller. L’Algérie est en bute à de nombreux problèmes. À la guerre civile larvée entretenue par les islamistes du GIA s’ajoutent les nombreux blocages socio-économiques qui ne cessent de s’aggraver. C’est pourquoi, pour de nombreux hommes politiques, dont des décideurs américains, ce n’est pas le moment de forcer Alger à la raison, au risque d’aggraver ses blocages. Réaliste et pragmatique, le Maroc a fait état devant le secrétaire d’Etat américain de sa volonté de faire valoir ses droits tout en suivant la communauté internationale dans sa quête d’une solution juste et durable à un conflit artificiellement entretenu. Notre pays a donc réaffirmé à M. Colin Powell sa détermination à oeuvrer pour trouver une solution politique réaliste et définitive à la question, dans le respect de sa souveraineté et de son intégrité territoriale. Un appel qui semble avoir trouvé une oreille attentive puisque le secrétaire d’Etat adhère à cette approche en rejoignant le Maroc dans sa demande d’élaboration d’une solution politique négociée avec son voisin, l’Algérie. La réaction du diplomate américain exclut de fait le polisario, qui ne peut plus se réclamer de la légalité international. Dans cette logique, l’Algérie est appelé à assumer la lourde responsabilité de choisir entre la voie de la légalité et celle des manoeuvres dilatoires porteuses d’instabilité et de confrontation. Un choix qui doit s’imposer également aux groupes d’intérêts américains qui négocient des concessions de pétrole et de gaz à Alger sans se soucier de son intransigeance et son refus de la légalité internationale. Ce même souci de stabilité régionale est partagé par les Européens qui s’apprêtent à tenir le Sommet des « 5+5 » à Tunis. Ils vont faire le point sur la stabilité et la sécurité régionales sur fond de menaces terroristes potentielles. Pour eux, tout comme pour les Etats-Unis, seul un marché maghrébin intégré peut stabiliser la région et l’aider à nouer avec la croissance et le développement. Du Traité de Marrakech, fondateur en 1989 de l’UMA, au jour hivernal d’aujourd’hui de l’an 2003, cette organisation se morfond dans ses anachronismes et ses contradictions, pour se réduire à une sorte d’institution sans objet. À Washington, tout comme à Bruxelles, on n’a jamais cessé d’inciter les pays membres de l’UMA à oeuvrer à la construction d’un ensemble économique et géostratégique détenteur d’un marché estimé à quelque 80 millions de consommateurs. Le plan Eizenstat le rappelle très souvent. Aujourd’hui, M. Colin Powell le répète à travers son rappel au refus des Etats-Unis de n’appuyer aucune solution imposée au Maroc, tout en souhaitant que les nations du Maghreb construisent une région pacifique pour assurer la prospérité de leurs peuples. Washington encourage les contacts entre Alger et Rabat afin de tourner définitivement la page du Sahara. De leur côté, les Européens restent attachés au Maghreb en tant qu’entité représentant un marché commun. En somme, l’Algérie est au pied du mur pour lever l’hypothèque qu’elle fait peser sur l’édification de l’espace géopolitique maghrébin.