Aujourd’hui Le Maroc : Le marché marocain a été inondé, ces derniers temps, de produits alimentaires en provenance des Emirats arabes unis, lait en poudre notamment. Quel est votre commentaire face à cette situation ?
Mustapha Hanine : Il faudrait avant tout commencer par situer ces pratiques commerciales dans un contexte purement réglementaire. Tout accord de libre-échange, à l’instar de celui conclu entre le Maroc et les Emirats arabes unis, comporte une clause de règle d’origine en plus d’un minimum de plus-values locales qui seraient pour l’accord d’Agadir dont il est question dans cette affaire, de l’ordre de 40% du produit fini. Or, il se trouve que dans le cas actuellement en cause, des doutes subsistent sur le respect de cette certification d’origine et de ce minimum de plus-values. Nous sommes effectivement en face d’une pratique de concurrence déloyale. Et c’est tout simplement inconcevable. Prenant l’exemple du lait en poudre, deux multinationales uniquement procèdent à sa fabrication de par le monde. Importer cette production au Maroc sans avoir à payer de droits de douane risque de frapper de plein fouet l’industrie nationale, pas uniquement en matière de lait, qu’il soit concentré ou en poudre, mais également en matière d’autres produits : biscuits, sucre et pâtes alimentaires.
Qui en est à votre avis le premier responsable de cette situation ?
Les services de douanes arrivent en tête de liste des responsables, vu le rôle qu’ils jouent en matière de contrôle des différents produits importés. Je tiens d’ailleurs à préciser que la question a été débattue au sein de la Commission des affaires économiques de la Chambre des représentants qui a demandé aux départements gouvernementaux concernés d’agir le plus rapidement possible dans le sens de la sauvegarde des industries nationales.
Quel est, selon vous, le plus grand danger qu’encourt l’industrie nationale ?
Notre économie entière, industrie incluse, évolue de nos jours dans un contexte marqué par la concurrence de plus en plus accrue de marchandises et produits fabriqués dans différentes régions du monde qui présentent un profil hautement compétitif. Mais ce n’est nullement une raison pour pousser les différentes industries nationales, créatrices d’emplois, vers une impasse. Il n’est un secret pour personne que notre industrie souffre de plusieurs maux. Le processus de mise à niveau initié il y a de cela une dizaine d’années n’a pas donné ses fruits.
Est-ce l’accord de libre-échange qui est le plus mis en cause dans cette concurrence ?
Nous avons toujours dénoncé la signature à bras ouverts d’accords de libre-échange. Et ce en raison de leurs conséquences sur des industries locales pas du tout préparées à cette déferlante de produits importés beaucoup plus compétitifs et donc attrayants pour le consommateur final.
Quelle devra être la réaction du gouvernement marocain à l’égard de cette forme de concurrence ?
La réponse doit être à la hauteur de l’importance de l’enjeu en question. Le Maroc est signataire des accords de l’Organisation mondiale de commerce (OMC). Il se doit donc de respecter toutes les clauses de démantèlement. Mais dans le cas où son intérêt économique et social national se trouverait menacé, il est de son devoir d’agir en se référant à cette clause de protection prévue dans les accords de l’organisation internationale. Et je tiens à ce propos à préciser un élément, ce n’est pas de politique protectionniste à outrance dont nous avons besoin, mais d’une rationalisation de l’ouverture qui, de toutes les manières, nous est imposée par le contexte politique et économique mondial dans lequel le Maroc évolue. Il est donc du devoir du gouvernement marocain de se saisir de cette affaire.