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Harakat : «Primauté à l’expertise»

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ALM : Comment définit-on un tueur en série ? Y a-t-il une définition universelle ?
Aboubakr Harakat : Un tueur en série, on le définit d’abord comme meurtrier et ensuite on va voir la nature de ses crimes, le mobile qui peut être passionnel, par vengeance ou de peur d’être dénoncé. Il y a aussi le crime qui est commis dans un état de psychopathologie, c’est-à-dire quand il y a un dédoublement de personnalité. Quand on a des crimes en série, le meurtrier souffre généralement d’une pathologie mentale. Quand il revient à lui, il ne se souvient pas de ce qu’il a fait. C’est ce qu’on qualifie, de manière caricaturale de Dr. Jekyll et Mister Hyde.
Pour ce monsieur arrêté à Rabat, en l’absence de toute rencontre avec lui, de toute expertise psychologique et ne disposant d’aucun élément sur son dossier, on ne peut qu’émettre des suppositions.
Vu la fréquence des crimes en un laps de temps assez court, ce qui nous donne quelque chose comme un meurtre et demi par mois, on peut expliquer ces crimes par le fait que ce SDF, toxicomane, se soit retrouvé dans le besoin. S’il ne fume que du cannabis, cela m’étonnerait qu’il ait tué pour cela. Pour d’autres drogues, il peut par contre aller jusqu’au meurtre pour se procurer de quoi acquérir ses doses. La deuxième hypothèse est qu’il pourrait être question, vu son âge (44 ans, NDLR), d’une personnalité psychopathologique en état de latence. Il se peut donc qu’il ait eu des époques pathologiques et qu’il ait fait l’objet d’une flambée. La troisième hypothèse est celle d’un accès démentiel ou un accès pathologique. On ne devient toutefois pas tueur en série, du jour au lendemain, sans bases psychologiques, sociales ou familiales.

Pourquoi, d’après vous, s’attaquait-il d’abord et exclusivement à des SDF ?
Là également, l’on ne peut qu’émettre des hypothèses. Il se peut qu’il ait choisi ses victimes parmi les SDF parce que c’étaient les personnes à lui être les plus accessibles. L’on pourrait aussi expliquer le choix de cette cible par sa fragilité, l’incapacité des victimes de se défendre car physiquement diminuées ou rongées par les drogues et les maladies. C’est aussi des gens qui n’ont, dans la majorité des cas,aucune attache sociale ou familiale. Dans l’esprit de l’assassin, cela veut dire presque crimes difficiles à élucider du moment qu’il n’y a personne pour aller voir la police. Evidemment, il pourrait être question parfois de ces trois éléments mis ensemble.

Est-ce qu’on peut faire un parallèle entre Amer et Hadi ?
Les deux affaires offrent quelques ressemblances en effet. Hadi était aussi SDF tout en ayant un lieu fixe, un abri défini dans un terrain vague et qui choisissait ses victimes. Sauf ce fait révélateur que Hadi a étalé ses crimes sur plusieurs années. Le tueur de Taroudant avait une compulsivité qui devenait obsessionnelle et qui fait qu’il ne pouvait pas se retenir. A partir d’un certain moment, il prend son temps, planifiait… Sauf que Hadi tuait et , en même temps, jouissait alors que ses victimes agonisaient. Cela faisait partie de ses fantasmes sexuels et cela n’a rien avec la nécrophilie.

Y a-t-il des signes qui pourraient trahir une soif de sang chez un tueur en série ?
Ce n’est guère évident. Il y a beaucoup de malades à qui on pourrait donner le bon Dieu sans confession. Hadi, encore lui, mettait les enfants en confiance et personne ne pouvait en soupçonner les crimes. Chez certaines personnes, si elles vont voir un spécialiste, on peut toutefois déceler une pathologie grave ou assez grave. Pour l’entourage, l’on peut remarquer des troubles et surtout chez les personnes d’apparence violente. Dans ce cas, on peut avertir que tel ou tel pourrait commettre une bêtise. Cela se complique davantage chez celui qui ne laisse manifester aucun signe d’anomalie et surtout pour les non-spécialistes.

Pour le spécialiste que vous êtes, quel traitement faut-il réserver à ce genre de cas ?
Il y a des situations où l’on peut décréter que la personne en question n’est pas responsable de ses actes. Dans ce cas, un internement psychiatrique s’impose pour un suivi médico-psychologique. Pour Hadi, il n’y a pas eu, à ma connaissance, d’expertise du moment qu’il a tout avoué. Généralement, l’expertise, pour la justice, est assimilée à un casse-tête.
Comment se fait-il que l’on n’ait pas eu de véritable expertise depuis l’affaire Tabit qui est un cas d’école? Qu’a-t-on fait dans le cas de Zouita. Même quand la personne avoue ses crimes, il y a toujours un besoin d’expertise et le juge doit l’ordonner rien que pour comprendre. En plus, cette expertise ne doit pas être faite à la va-vite, mais par un collège d’experts et doit prendre le temps nécessaire.

Un tueur en série a-t-il des chances de se remettre ?
Dans l’absolu, ce ne sont pas des cas désespérés, mais il faut d’abord une expertise et un suivi approprié. Cela dépend aussi des cas, des conditions de l’internement psychiatrique, des moyens disponibles et du sérieux et du savoir-faire de l’équipe soignante…

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