Plusieurs milliers de prisonniers devraient renouer avec la liberté lors des ces jours de fête et la célébration du cinquantenaire du retour d’exil de Feu Sa Majesté le Roi Mohammed V et de l’Indépendance. Selon des sources concordantes, les mesures de grâce royale, qui devraient être annoncées prochainement, devraient constituer une première puisqu’elles devraient bénéficier à la totalité des personnes purgeant des peines dans les divers établissements pénitentiaires du Royaume. Cette population est estimée actuellement, et à en croire les derniers chiffres de l’administration pénitentiaire, à plus de 60.000 personnes. En vertu de ces mesures de grâce, près de 10.000 prisonniers seront libérés. Lundi 14 novembre 2005, les effectifs de l’Administration pénitentiaire étaient débordés car il était question d’une sorte de course contre la montre pour ficeler tous les dossiers en coordination avec les directions des prisons et arrêter le nombre exact des bénéficiaires. Ce chiffre devrait d’ailleurs faire l’objet d’une annonce, lors de ces jours de fête, par la Chancellerie royale.
Selon nos sources, parmi les dossiers qui posaient encore problèmes, figurent ceux de plusieurs personnes ayant été condamnées pour terrorisme après les attentats du 16 mai et notamment les dossiers de personnes jugées et condamnées à de lourdes peines de prison.
Il restait aussi à déterminer la manière dont ces personnes allaient bénéficier de la grâce royale même si une formule, sorte de «barème» semble avoir déjà été retenue. Ainsi, il serait question de remise de peine variant entre deux mois et quatre ans suivant la peine initiale et la période passée derrière les barreaux. Comme d’habitude, nous indique une source judiciaire, une place de «choix» sera donnée aux vieillards parmi les prisonniers, aux personnes souffrant de graves maladies, aux femmes enceintes ou accompagnées par leurs enfants et à ceux parmi les prisonniers ayant réussi leurs études. C’est tout ce travail, d’ordre technique, que les services de l’Administration pénitentiaire s’échinaient à terminer y compris durant le week-end dernier. Ces mesures de grâce royale arrivent juste quelques jours après une grande initiative du ministère de la Justice visant une meilleure maîtrise de la population carcérale qui a atteint presque le double de la capacité des prisons du Royaume. Vendredi 11 novembre 2005, le département de Mohamed Bouzoubaâ annonçait avoir transmis une nouvelle circulaire aux différents parquets du Royaume. Déclinée en plusieurs points, cette circulaire incite les parquets à une meilleure rationalisation de la détention préventive et la recherche d’alternatives dont le contrôle judiciaire, les procédures de réconciliation et les garanties financières et personnelles. Cette circulaire insiste notamment sur le flagrant délit conformément à l’article 56 du Code pénal et appelle au respect de l’article 74 du même texte consacré à la liberté provisoire.
Le ministre de la Justice appelle également les parquets à une meilleure gestion des dossiers de la détention préventive en accélérant les procédures.
Les magistrats sont aussi appelés à éviter de donner un caractère pénal à des affaires d’ordre civil et à orienter les plaignants aux procédures les plus adéquates pour chaque affaire. Les parquets, selon cette circulaire, devront aussi accélérer l’élaboration des demandes de grâce ou de liberté conditionnelle. Mohamed Bouzoubaâ demande enfin que lui soient transmis des rapports mensuels sur les procédures alternatives à la détention provisoire et les obstacles qui se dressent devant l’application de la circulaire. Cette circulaire du ministre de la Justice vise aussi à re-dynamiser le rôle des comités provinciaux dans le contrôle des établissements pénitentiaires pour s’assurer que la dignité des prisonniers est respectée et que sont réunies les conditions de salubrité, de sécurité et d’alimentation adéquate dans ces centres. Le même appel est adressé aux parquets pour des visites visant à recueillir les doléances et plaintes, le cas échéant, des prisonniers pour prendre les mesures qui s’imposent en concertation avec l’Administration centrale.
Cette circulaire est en fait un «paquet de mesures» qui fait dire à Me Abdelfettah Zahrach que «c’est un pas très positif dans la perspective d’une solution définitive au problème de la surpopulation carcérale, mais aussi pour une bonne application de la loi». Pour cet avocat du barreau de Rabat et membre de l’AMDH, «une telle circulaire, dans sa globalité, permettra au système judiciaire marocain une meilleure harmonie avec les droits de l’Homme et une conformité longtemps recherchée avec les accords et traités internationaux signés par le Royaume». Pour des milliers de Marocains, se trouvant derrière les barreaux pour une raison ou une autre, la bonne nouvelle est pour très bientôt…