«La première fois, je m’en souviens encore. C’est une amie qui m’a entraînée dans une maison où elle m’avait assuré que je pouvais gagner 2000 DH, simplement en dansant. C’est ce qu’on appelle une Ikramia. Il y avait beaucoup de jeunes filles. Et la rivalité a poussé chacune de nous à danser de la façon la plus sensuelle qui soit.
Quatre Saoudiens habillés à la mode occidentale assistaient au spectacle. Après la danse, mon amie est venue me dire que j’avais gagné le jack-pot. J’avais plu à l’un des quatre hommes. « Tu vas gagner 5000 DH au lieu des 2000 » me dit-elle. Je savais à quoi me tenir. Je n’étais pas venue en naïve, j’étais là pour l’argent. J’étais là pour vendre mon corps.
Quant à l’homme en question, il s’est comporté comme quelqu’un qui paye un objet et qui s’en sert à sa guise. Il m’a demandé de danser encore pour lui. M’a donné des ordres auxquels j’ai obéi. J’étais jeune à l’époque et comme il était gros, et suait de partout, j’ai failli me dégonfler par dégoût. J’ai pensé alors très fort au sac et aux chaussures que j’allais acheter avec l’argent. Je devais avoir une expression heureuse sur le visage en pensant à tout ce que je pouvais dorénavant me payer. Parce que le Saoudien a dit des mots sur sa virilité. Il pensait être un amant extraordinaire… Il a été correct avec moi après. Il m’a payé et m’a demandé de revenir. J’avais franchi le premier pas et goûté à l’argent. Ma famille profitait aussi de cet argent. J’ai rencontré après d’autres Saoudiens. Ils avaient tous l’eau à la bouche devant ma peau blanche et mes longs cheveux noirs.
Trois d’entre eux m’ont proposé le mariage, mais j’ai refusé. Je les ai si bien connus que je pouvais anticiper tous leurs désirs, je savais ce qu’ils attendaient de moi, et je les contentais toujours. Mon succès s’est réduit avec l’avance dans l’âge.
Faut dire que les adolescentes, des filles de 13 ans, se vendaient de plus en plus et pour peu d’argent. Moi, j’avais maintenu la barre très haut en dépit de la dépréciation du marché… Mais la chose sur laquelle je veux insister maintenant que je ne sors plus avec les Saoudiens, c’est qu’ils ne sont en rien responsables de mon état. Bien au contraire, ils m’ont permis d’avoir un certain confort pour mes vieux jours. L’argent que je gagnais a permis à mes frères de faire des études. Non ! je ne jetterai pas la pierre sur les Saoudiens. Je ne cracherai pas sur eux. Ils m’ont sortie du ruisseau. Quant à leur sauvagerie, elle est propre à tous les hommes arabes. Ils n’ont pas de tendresse pour leurs femmes, comment voulez-vous qu’ils en aient pour les filles de mon état ?»