En dépit des discours rassurants des institutionnels et des opérateurs touristiques, la destination Maroc commence a fait les frais des attentats du 11 septembre. Aujourd’hui, l’excès d’optimisme affiché par les différents acteurs du secteur n’a pas lieu d’être. Il faut se plier à la réalité des chiffres renseignant sur une nouvelle tendance dans l’évolution de cette activité qui est une locomotive de l’économie nationale.
Pour les quatre premiers mois de l’année 2002, les recettes touristiques ont enregistré une chute de 30,9% par rapport à la même période de l’année précédente, indique l’Office des Changes. Ce dernier précise toutefois que sur une période de cinq ans, les recettes ont enregistré une progression de 5,4% pour s’établir à 5,66 milliards de DH. Auprès de la Direction de la Politique Economique Générale (DPEG), on souligne que la fréquentation touristique a reculé de 14,7% en mois d’avril alors que pour la même période de l’année 2001, elle avait progressé de 7,6%. Rappelons que le nombre des touristes européens a baissé de 13,2%, alors que celui des américains a reculé de 44,7%.
Du côté du ministère du Tourisme, on table sur une baisse allant de 15 à 20% des recettes du secteur qui emploient 600.000 personnes. Pour l’année 2001, 2,4 millions de touristes étrangers ont visité le Maroc. Le Royaume compte atteindre 10 millions de touristes à l’horizon 2010. Le ministère du Tourisme a précisé qu’il n’avait pas modifié ses objectifs, malgré les derniers événements conjoncturels.
La communication de ces chiffres intervient au moment où la RAM, acteur incontournable dans le développement du secteur touristique, vit au rythme de crises sociales amorcées depuis des années déjà. Résultat: une situation qui ne fait que renforcer le malaise ambiant dont souffre actuellement le secteur touristique. La grève de 24 heures (du samedi 22 juin et dimanche 23 juin) annoncée par les commandants de bord et officiers de pilotes de ligne regroupés dans l’AMPL (l’Association Marocaine des Pilotes de Ligne) ne fait que compliquer la situation. L’Association dénonce «la stratégie d’atermoiement et d’ajournement de la direction de la RAM dans l’application des protocoles d’accord de juillet 1998 et août 2001». Elle reproche également à la présidence du transporteur le manque d’égards envers les commandants de bord et les officiers pilotes de ligne concernant leurs différentes demandes d’audience.
Les doléances de l’AMPL portent entre autres sur l’interprétation fallacieuse par la direction de la RAM des points portant sur les repos périodiques, l’absence d’un calendrier de résorption des reliquats de congés pour l’ensemble du personnel naviguant, le manque de transparence dans les contrats d’assurance individuelle, la dégradation des conditions du travail et de programmation, le non-respect de la liste de classement professionnel dans la désignation d’actes de carrières et le refus d’appliquer les accords concernant les frais de déplacement». Pour l’heure, la direction de la RAM n’a pas encore réagi officiellement à l’annonce de cette grève qui bouleversera le planning des voyages et dont l’enjeu en termes d’image est très coûteux pour la destination.
Le corps des pilotes de ligne compte s’appuyer sur la CDT (secteur transport aérien) pour défendre jusqu’au bout ses revendications. Notant que le personnel navigant fait partie d’un collectif qui réunit le syndicat des contrôleurs aériens, le syndicat des travailleurs de l’ONDA (Office National des Aéroports), le syndicat des travailleurs ATASA et le syndicat du personnel au sol de la RAM. Dans un communiqué, ce collectif avance que sa création est impérative pour faire face aux stratégies de gestion développées par les différentes directions du secteur, qui constituent, selon lui, un tournant dangereux pour le devenir du secteur du transport aérien et pour celui du personnel. Pour défendre leurs intérêts conjoints, les représentants de ce collectif ont mis en place une commission permanente chargée de la coordination. Ces derniers s’opposent à toute action de démantèlement des structures des établissements du secteur du transport aérien. Ils dénoncent également les agissements irresponsables de certains décideurs qui portent préjudice à la dignité des travailleurs opérant dans ce domaine. Par la même occasion, ils demandent l’ouverture d’un dialogue avec les dirigeants de ces établissements avec les syndicats regroupés dans ce collectif.
Selon eux, les problèmes en suspens concernent notamment les licenciements arbitraires, les sanctions et les mutations abusives, la dégradation des conditions du travail, le non-respect des protocoles signés et des réglementations en vigueur. Tout un chantier qui nécessitera certainement l’intervention du gouvernement.
En attendant, ce dossier risque de connaître des rebondissements dans les jours qui viennent. Tout dépendra de la relance du dialogue. Mais il est certain que la tension sociale que vit le transport aérien renforce le malaise du secteur. Atteindre 10 millions de touristes d’ici 2010 serait-il alors un objectif réaliste compte tenu de la fragilité du secteur?