«Aujourd’hui le Maroc » a réussi à rencontrer, à son arrivée à Casablanca, après la rencontre riche d’espérance avec le Souverain à Tanger, l’une des figures de proue de l’action envers la délinquance juvénile. Assia El Ouadie, membre du conseil d’administration de la Fondation Mohamed VI pour la réinsertion des détenus et des pensionnaires des centres de sauvegarde de l’enfance, le regard luisant et l’émotion à fleur de peau, accepte de témoigner. L’euphorie et l’excitation générale sont à leur comble au domicile de Mme El Ouadie. La prise de position royale couronne l’effort des militants pour la reconnaissance des droits des citoyens évoluant dans le monde incarcéral.
D’après la vision royale, ils sont loin de représenter des « citoyens de seconde zone ». Loin de là. L’initiative royale traduit la volonté de garantir, dans leur plénitude, les droits des détenus. Encore plus, les plus jeunes, ceux de moins de 20 ans, qui sont amenés un jour à quitter les lieux de détention et fréquemment d’humiliation. Le jeune est condamné à y perdre tout aspect humain. La souffrance quotidienne tant bien physique que morale aliène les signes distinctifs entre l’homme civilisé et celui à l’état primaire.
Déjà le sentiment d’emprisonnement, l’adolescent le ressent au sein même de sa famille et dans les institutions scolaires. Encore plus, lorsqu’il se concrétise sous forme de barreaux et de hautes façades, avec tous les signes de la répression, de la punition, du châtiment. La proximité avec les « geôliers » et les autres détenus anéantit le concept initial de « l’espace vital ».
Cette confrontation entre la haine, la terreur et parfois la résignation donne lieu à des manifestations de violence exacerbées. C’est désormais un secret de polichinelle: violences sexuelles, mutilation, agressions nocturnes en tout genre et la liste des viols est longue. D’autres diront que ces blessures, les plus défavorisés des jeunes les subissent au quotidien.
Aussi, lorsqu’on se penche sur les rasions qui mènent au cycle infernal, reconnaissons que les circonstances familiales y poussent implicitement, dans le meilleur des cas, si ce n’est pas délibérément.
Ce qui pousse à dire à Assia Ouadie que : « l’opération de réinsertion ne commence pas à la sortie du centre de détention, mais à l’intérieur même, où la dignité humaine doit être respectée. Pour que le jeune puisse se réformer, il faut qu’il sache qu’une main lui est tendue. Et qu’il sache également que la société à sa libération ne le rejettera pas, mais l’accueillera en son sein ».
La réconciliation avec soi, puis avec la société, motivent désormais l’ensemble des opérateurs sociaux. Notre interlocutrice intervient et nous met face à une responsabilité collective évidente : « ce sont nos enfants, qui se sont mal comportés, commis des erreurs, mais on ne les jette pas. On les aide plutôt à surmonter cette épreuve». Pour les aider, certes la répression reste un moyen, mais l’organe judiciaire doit focaliser ses efforts tout particulièrement sur « l’après-condamnation ».
Une solution existe cependant. « L’institution du juge d’application des peines, je l’ai vécu en 1980, lors d’un stage en France. Il incarne une figure autre que celle incarnée par la justice, qui dépasse son rôle répressif et prend une figure humaine.», explique-t-elle. L’aspect humain, revient à faire sentir au détenu qu’ « on ne le laisse pas tomber». Le magistrat chargé de cette prérogative pourra même plaider pour la réduction de la peine.
D’ailleurs, le succès de la démarche menée par ce juge repose sur une articulation autour d’un réseau de personnalités de la société civile afin de baliser le terrain de la réinsertion. Si au cours de la détention, la qualité de l’encadrement humain du jeune prend le dessus sur l’aspect strictement punitif, la sortie de prison incarnera une «nouvelle existence ».