Le long article que vient de consacrer l’hebdomadaire « Jeune Afrique » de cette semaine sous la signature du Directeur de la Rédaction de cette publication, François Soudan, sous le titre de : « Moulay Hicham, l’homme qui voulait être roi » coïncide avec d’autres nouvelles disant que le concerné par l’article veut quitter le Maroc pour s’établir aux Etats-Unis.
Le papier écrit par un journaliste étranger qui fut parmi les interlocuteurs privilégiés et réguliers du prince et publié par l’un des supports qui ont le plus mis en avant ses idées et faits et gestes durant les deux dernières années, présente le mérite de projeter de la lumière sur la personnalité du prince, son profil et ses ambitions. Il résume aussi, en quelque sorte, un acte manqué, dans tous les sens du terme : psychologique, tactique, historique ; et semble restituer, en fin de compte, l’histoire de la tentation du pouvoir chez un homme qui a entretenu une grosse ambiguïté entre son désir de tirer profit de sa filiation princière, qui lui assure la respectabilité et la considération dues à son rang, et une certaine capitalisation sur des valeurs et des slogans qui spéculent justement sur une démarcation par rapport aux usages et à la légitimité de cette même appartenance généalogique.
Les qualificatifs qui ponctuent l’article et relatifs à la personnalité de Moulay Hicham, que ce soit dans la bouche d’interlocuteurs avertis ou sous la propre plume du journaliste, renvoient au lecteur l’image d’un personnage à «l’égo démesuré», «incontrôlable», «impulsif », « souvent brouillon », « obsessionnel », «revanchard», « inconsolable de ne pas être roi », «dur», féodal », « capricieux », « superstitieux », «inquiétant» ; sont souvent durs et peu flatteurs à l’égard du prince, mais ils ne masquent pas non plus le fil conducteur de son itinéraire volontariste sous-tendu essentiellement par une stratégie au service de l’espoir de partage du pouvoir royal, voire de la capture pure et simple de ce pouvoir à son compte.
Cette ambition est d’abord nourrie par ce que le journaliste qualifie d’éducation offshore , tant dans son sens scolaire et académique, dans une filière anglo-saxonne et panachée d’une appartenance, du côté de la mère, au Machreq, par rapport à celle de ses cousins, francophone et nationale.
Une éducation « mondialisée » dont il est « persuadé qu’elle lui donne sur ses cousins un avantage de poids, américanophile beaucoup plus que francophile, il vante ses diplômes comme d’autres leurs trophées de chasse », dira le journaliste avec une pointe d’ironie.
Mais ce sentiment de supériorité va prospérer, dans le contexte de la succession sur le trône alaouite, à la rencontrée de toute une cour de laudateurs, de faux courtisans, d’hommes d’affaires intéressés, d’intellectuels en mal de dissidence, qui feront leur bonheur des « bourdes » protocolaires du prince, de ses sorties irrespectueuses, naguère à l’égard de son oncle feu Hassan II et désormais et à plusieurs reprises vis-à-vis de son cousin Mohammed VI.
Une période qui l’a grisé, selon ses proches confidents un temps gagnés à son analyse sur le régime au Maroc et les « dangers » qui guettent le pays, notamment le risque que comporterait, d’après les analyses qu’il distillait ici et là, « l’arrivée au pouvoir d’un attelage militaro-barbu qui balaiera la monarchie ».
Dans la foulée de cette analyse qu’il propageait auprès de qui voulait l’entendre, il allait se déclarer prêt, lui, à assumer les plus hautes charges du pouvoir, en tant que «colonne vertébrale » du nouveau roi, qu’il avait, à l’instar de «nombre d’hommes politiques, tant marocains qu’étrangers » gravement sous-estimé, souligne le journaliste qui estime que « à ce stade et à ce niveau, la faute (est) impardonnable ».
Revenant sur l’affaire de la très mauvaise plaisanterie de l’anthrax qui allait révéler une autre constante de la personnalité du prince, celle du joueur et blagueur qui manque particulièrement de discernement quant aux limites de l’exercice, le journaliste s’attardera aussi sur la mobilisation de quelques médias nationaux et d’une demi-douzaine de journaux espagnols pour défendre le prince dans le bras de fer qu’il a engagé avec les autorités marocaines, avant de jeter l’éponge et de prendre un peu de large par rapport à toutes ces turbulences.
« Ainsi s’achève, provisoirement sans doute, la trajectoire d’un prince qui, quoi qu’il en dise, aurait tant voulu être roi », conclut le journaliste qui indique aussi que les « Marocains, les mieux disposés à son égard estiment qu’un prince de sang ne saurait revendiquer la liberté de ton d’un ‘citoyen du monde’, sauf à renoncer aux privilèges et à l’immunité que lui confère son rang ».