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Lakhouaja : Agadir en otage

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Nouveau rebondissement dans l’affaire de l’hôtel Palais des roses International (PRI) à Agadir. Au moment où les fournisseurs qui ont participé à la construction de cet établissement attendent depuis plus d’une année de toucher leur argent, le promoteur du projet, Azeddine Lakhouaja, n’a trouvé rien de mieux que se payer la tête de tout le monde en menant une campagne de presse à la fois riche et maladroite.
Cette offensive vise à accréditer l’idée qu’entre lui, Azeddine Lakhouaja et le président de Dallah Al Baraka Cheikh Salah El Kamel, il n’y a pas l’once d’un conflit, que le couple en affaires file la parfaite entente et que l’un et l’autre sont éternellement liés par les liens sacrés du business. Or, ce n’est pas ce qui transparaît dans la fameuse lettre en arabe du 30 octobre 2003 adressée par le cheikh à son ex-partenaire où il lui annonce la séparation non sans lui avoir dit ses quatre vérités et ses indélicatesses financières en des termes peu amènes. À moins qu’il ne s’agisse d’une vieille technique mutuellement concertée dans le sens d’un partage des rôles. Le Cheikh dans celui du bon et lakhouaja dans celui du méchant. Numéro de haute voltige…
Car c’est le résultat qui compte. Rabibochés ou pas, les fournisseurs n’ont pas encore été rétablis dans leurs droits. En l’absence d’une solution sérieuse, le conflit s’enlise et s’éternise. Pour toute action, les entreprises lésées avaient obtenu jusqu’ici une vente aux enchères du mobilier de l’hôtel pour le 10 décembre 2003. Mais celle-ci a été suspendue étant donné que l’avocat de M. Lakhouaja a adressé une lettre aux défenseurs des plaignants où il a annoncé sa décision de mettre en vente le fonds de commerce de l’établissement. Ce qui équivaut en soi à une reconnaissance de cessation de paiement de la société. L’affaire n’aurait jamais été portée devant la justice si le patron du groupe saoudien avait débloqué la situation conformément à ses promesses. N’avait-il pas dépêché au Maroc le 30 octobre 2003 son bras droit l’Égyptien Mahmoud Youssef qui a assuré les victimes de l’engagement de son chef de payer l’ardoise dans les jours à venir ? Or, l’homme d’affaires saoudien était en séjour du 3 au 8 janvier à Agadir. Plutôt que de travailler pour résoudre le problème des entreprises marocaines dont il est en partie responsable , il a mis à profit son escapade dans le Royaume pour tenter de s’extraire lui-même du scandale politico-financier où il a été entraîné, à son corps défendant ou pas, du fait de son association avec Azeddine Lakhouaja dans le projet de l’hôtel Palais des Roses. Dans ce sens, les deux hommes ont signé un accord censé permettre au Cheikh de se défaire d’un associé très encombrant et de se recentrer sur le projet juteux qu’il ne veut pas perdre pour rien au monde, l’aménagement de la belle baie de Taghazout. De son côté, Azeddine Lakhouaja manoeuvre pour ne pas sortir bredouille de cette affaire. Il lorgne carrément l’hôtel de discorde dont il veut devenir l’unique propriétaire quitte à se désengager de la société de développement de Taghazout. Pour ce faire, il doit, c’est le point essentiel de l’accord signé avec le Saoudien, produire dans un délai d’un mois à partir de sa signature ( le 3 janvier), une main-levée de la BCP et de la BMCE représentant la caution du Cheikh qui est d’un montant de 160 millions de Dhs. Or, les banques savent à qui ils ont affaire. Point de main-levée…
Il n’y a pas que cette coquette somme en jeu. Il faut y ajouter les facilités de caisse accordées par une troisième banque à la société Palais des Roses plus les impayés des fournisseurs d’un montant de plus de 70 millions de Dhs (voir liste) et non de 35 millions de Dhs comme annoncé publiquement par M. Lakhouaja. Où va-t-il trouver tout cet argent pour être quitte avec tout le monde ? Dans ces conditions, l’accord, qui ressemble en fait à un marché de dupes, risque d’être réduit à un catalogue de bonnes intentions. Ce qui signifie que le Cheikh va devoir intervenir lui-même pour assainir les comptes de l’hôtel Palais des Roses.
Un établissement voué à être un champ d’épines dès la pose de la première pierre. Jugez-en : M. Lakhouaja s’est érigé lui-même en chef de chantier alors qu’il aurait fallu confier les travaux à des professionnels. Et puis, l’intéressé se vante haut et fort d’avoir monté un hôtel 5 étoiles à 500.000 Dhs la chambre. Or, celle-ci dans un hôtel affichant un tel standing et respectant les normes internationales en la matière revient à pas moins de 1 million de Dhs. Le promoteur a-t-il rogné sur les charges? De toute façon, la réalité est là, têtue : les fournisseurs n’ont pas été payés et la qualité des installations laisse beaucoup à désirer. “Le ministère du Tourisme dirigé par Adil Douiri est tenu d’expertiser l’établissement en vue de déterminer son véritable classement“, explique un expert en hôtellerie. C’est en partie à cause de l’état de l’hôtel que le locataire Palm Dorint ne s’est pas acquitté justement de la caution de 4 millions d’Euros deux mois avant l’ouverture de l’hôtel conformément au contrat signé avec le promoteur. Mais celui-ci, qui s’est engagé à livrer l’établissement clés en main et équipé selon les normes au plus tard le 1er juin 2002, ne respectera pas ses engagements. Le Palais des Roses n’a été remis, et de surcroît avec une foultitude d’imperfections techniques et pas entièrement achevé que le 16 mars 2003.
Ce retard a causé un préjudice financier énorme pour le locataire qui a dû supporter nombre de charges se chiffrant à plusieurs millions de Dhs. Malgré cela, M. Lakhouaja réussira à expulser Dorint de l’hôtel par décision du tribunal prononcée le 7 juillet 2003. Mais la justice n’a pas encore dit son dernier mot sur ce litige. Moralité de l’histoire, la paire El Kamel-Lakhouja n’aura déboursé au titre de fonds propres que 38 millions de Dhs pour se retrouver au bout du compte propriétaire d’un hôtel qui vaut 300 millions de Dhs financé en grande partie par des banques marocaines et construit par des fournisseurs marocains qui n’en finissent pas de courir et de souffrir pour obtenir leur dû.

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