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L’Algérie se cherche toujours

Quand en décembre 1991, le président algérien d’alors Chadli Benjedid avait annoncé la fin du processus électoral, sous la pression omnisciente de l’armée, on se doutait fort bien que la situation n’allait pas pour autant se calmer. Le raz- de -marée des islamistes du FIS était un indicateur sur le ras-le-bol des Algériens plus qu’une prise de position pro-islamiste.
Au fait, les élections municipales de 1991, les premières organisées dans ce pays sous le régime du pluralisme partisan, ont donné des résultats auxquels ni les analystes, ni les opposants les plus anti-FLN ne s’attendaient. Le Front de libération d’Algérie, jusqu’à cette date seul maître à bord, n’a même pas eu une majorité municipale. Il est relégué au troisième rang, après le Front islamique du Salut, de Abbassi Madani et Ali Belhaj, et le Front des forces socialistes de Hocine Ait Ahmed. Alors que les communistes du parti des travailleurs mené par Louisa Hanoune, criaient au scandale, s’estimant de fait lésés au même titre que nombre d’autres sensibilités qui se sont retrouvées marginalisées dans ce face-à-face islamistes-FLN. Le coup de frein sec donné par les généraux, menés de main de fer par Khalid Nezzar, Mohammed Lamari ou encore le général Betchine, et servis par certains caciques du FLN, a finalement projeté le pays dans l’inconnu. Le pouvoir symbolique du FIS s’est renforcé davantage, aidé en cela par des groupes intégristes de tous bords. Pire, il a été débordé par son aile la plus radicale par une multitude de courant plus extrémistes les uns que les autres. Tandis que le FLN n’est plus que l’ombre de lui même et les partis démocratiques sont perdus dans la jungle politico-militaire où seule la voix des généraux ou des affairistes qui leur sont affidés est audible.
Chadli Bendjedid sera emporté dans la tourmente à ses débuts. Puis, ce fut feu Mohammed Boudiaf, rappelé de sa retraite au Maroc, puis assassiné probablement pour indiscipline à l’égard de la junte aux vraies commandes du pouvoir. Ensuite ce fut Liamine Zeroual, Reda Kefi, nommé président du conseil de la présidence, et enfin aujourd’hui avec Abdelaziz Bouteflika. Les têtes du porteur du titre ont changé, mais rien n’a fondamentalement changé la donne dans le sens d’un réglement de la situation. Sauf que la situation n’a pas cessé d’empirer. On est revenu au 5 octobre 1988 quand la rue a explosé. On est arrivé au point où les bonnes volontés de Sain’Ejido, la confrérie chrétienne d’Italie qui a beaucoup oeuvré pour rapprocher les protagonistes, n’y peuvent plus rien.
Les pays voisins très concernés par la situation auraient aimé que l’Algérie soit stable et gouvernée comme tout autre pays qui se respecte. Mais en dix ans, l’escalade de la violence a fait des dizaines de milliers de morts. Plus que les guerres déclarées entre pays. La multiplication des instances et des partis politiques dont le nombre a atteint une trentaine en l’espace de quelques semaines a faussé davantage le jeu.
Les diverses consultations pour la relance du processus démocratique n’ont pas abouti. Les privatisations n’ont pas permis de renflouer les caisses de l’Etat dont les seuls bénéficiaires sont les hommes forts du régime, donc les galonnés de l’armée. On a vu au mois de ramadan comment les intempéries ont réduit presque à néant une partie de la capitale algérienne.
On a vu comment le pays n’a pas pu mettre sur les rails une économie à même de tirer profit des rentes des hydrocarbures. Et on voit chaque jour comment la frontière avec le Maroc est inondée par des Algériens qui veulent rentrer à l’Est du Maroc pour se procurer des marchandises en échange de produits pharmaceutiques périmés, de dérivés du pétrole ou de rares denrées alimentaires encore subventionnées. En dix ans, l’Algérie a aussi perdu du terrain sur la scène internationale. Les temps de l’internationalisme ou du tiers-mondisme comme vecteur de propagande sont révolus…
L’Algérie continue à panser ses blessures, au moment même où des déchirures sont de plus en plus béantes. Et au moment où l’autorité de l’Etat se jauge aux cliquetis des armes et que l’économie se déploie selon des procédures et des modes de fonctionnement de triades.
Un significatif échantillon de cette réalité que ne peuvent plus cacher les dénégations d’Alger ou l’emphase rhétorique de la propagande éculée, est bien restitué par le film « Bab El Oued » qui propose des images poignantes de la mal-vie de l’Algérie de ce début du troisième millénaire.

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