La plupart des services de renseignements européens situent la date de naissance du GICM entre 1993 et 1998, quelque part, entre l’Afghanistan et le Pakistan. Il s’agit vraisemblablement, selon des sources proches de l’enquête ouverte en Espagne, d’un noyau de citoyens marocains, anciens vétérans d’Afghanistan, décidés d’exporter le Djihad avec le soutien et la bénédiction d’Al Qaïda.
Parmi les principaux membres supposés de ce groupe qui porta d’abord le nom éphémère de «Groupe islamique marocain», les services espagnols citent en premier Mohammed El Guerbouzi, alias Abou Aissa, marocain de 46 ans, qui coule des jours heureux à Londres en flirtant entre les services de renseignements britanniques et les milieux islamistes. Viennent ensuite Ahmed Rafiqui plus connu sous le nom de Abou Hudeifa, Al Hussein Kertchou (Abou Talal), Said Mansour, surnommé Said AL-Maghrevi ou Said Danermarqui, Moustapha Boussif (Abou Hamza), Younous Chekkouri (surnommé Mohiboullah ou Mahmoud), Karim Aouta (Salem).
Toutes ces personnes auraient pour dirigeants, toujours sur la base des renseignements fournis par les services espagnols, un certain Saâd Al-Husseini et l’introuvable Abdelkrim Mejjati. L’identité du chef du GICM, l’émir, reste sujet à caution. Les suppositions vont d’El Guerbouzi à Mejjati, l’un fait l’objet d’une demande d’extradition par le Maroc, l’autre fait partie des activistes les plus recherchés par le FBI. Seule certitude, le GICM se réclame du salafisme. Les services européens ont commencé à s’intéresser au GICM vers 1998, en plein démantèlement des réseaux du GIA algérien, après la découverte d’un communiqué en Belgique et en Italie. Le texte traçait le programme du groupe qui se proposait de recruter, de coordonner les groupes islamiques et, selon les services espagnols, d’organiser «le retour au Maroc». Les investigations en Belgique et en Italie ont permis de saisir quelques exemplaires de «Sada Al Maghreb», les Echos du Maroc», bulletin clandestin du groupe et d’une autre publication destinée aux Marocains de Londres.
Le groupe serait financé non seulement par Al-Qaïda mais aussi par un système de collectes de fonds en Europe. La mouvance de Ben Laden fournit l’appui logistique, le financement et de temps en temps, des programmes d’entraînement. Les liens avec le GSPC Algérien (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) seraient aussi établis. Cela va, selon les services espagnols, de la publication de communiqués du GICM dans Al-Ansar, bulletin de l’organisation, à la formation militaire dans les camps du GSPC en Algérie.
Autre groupuscule islamiste avec lequel, le GICM entretiendrait des relations fraternelles, le Djihad islamique égyptien qui a organisé plusieurs séjours de préparation aux activités clandestines, alors que la Harakat Al-Salafya Yidahyia assure le recrutement et l’appui logistique au Maroc. Au Pakistan, les contacts du GICM avec Al-Qaïda, se font à travers le parti islamique Hikmatiar, connu pour son réseau de camps d’entraînements qui s’étendent jusqu’en Afghanistan voisin.
Depuis le 11 septembre 2001, plusieurs Marocains considérés comme membres du GICM ont été identifiés. Il s’agit de 9 résidents en Europe, 3 au Proche-Orient et 9 détenus actuellement à Guantanamo. Ajoutés à cela, trois membres identifiés récemment au Maroc dans l’opération «Lavapiès» du nom du quartier madrilène où habitait Jamal Zougam, principal suspect des attentats du 11 mars. Les services marocains ont arrêtés deux personnes alors qu’une troisième, probablement Abdelkrim Mejjati, est toujours en fuite. En tout, cinq membres du GICM sont soit arrêtés, soient en résidence surveillée au Maroc et 8 sont en lieu inconnu.
Classé comme organisation terroriste par les Etats-Unis, le GICM est aussi connu des services marocains. D’ailleurs, d’après les sources proches de l’enquête menée en France, la plupart des 13 interpellés apparaissent dans la procédure sur Casablanca. Le juge antiterroriste, Jean-Louis Bruguière, était même au Maroc fin mars, probablement sur la piste de cet étrange groupe connu de l’islamiste français, David Courtailler, qui aurait rencontré Djamel Zougam (membre supposé du GICM) en 1998. Aujourd’hui, avec la collaboration des services espagnols et marocains, on en sait un peu mieux sur le GICM.