La politique budgétaire se dirige vers l’introduction d’une nouvelle règle. Les menaces émergentes liées aux changements climatiques et tensions géopolitiques poussent les responsables à changer de logiciel pour la planification budgétaire. Eclairages.
Vers un nouveau changement dans la planification budgétaire pour le Royaume. Un amendement important est prévu dans le cadre de la réforme annoncée de la loi organique relative à la loi de Finances. Il est question ainsi d’introduire une nouvelle règle budgétaire. «En raison des répercussions conjoncturelles et des changements climatiques, l’équilibre entre la politique budgétaire et celle monétaire devient un objectif stratégique à travers la mise en place d’un dispositif financier proactif et prospectif, permettant de faire face aux chocs extérieurs, une pérennité des finances publiques et un renforcement de la confiance des partenaires et investisseurs nationaux et étrangers», lit-on dans la présentation du ministre délégué auprès de la ministre de l’économie et des finances, chargé du budget, Fouzi Lekjaa, qui a annoncé devant les parlementaires que la réforme de la loi organique N°130.13 relative à la loi de Finances (LF) vise à renforcer la gouvernance dans la gestion des finances publiques. Exposant les propositions de réforme de cette loi organique des Finances (LOF) lors d’une journée d’études commune entre le gouvernement et les deux Chambres du Parlement, M. Lekjaa a précisé que les amendements proposés visent à renforcer le rôle du Parlement dans le contrôle des finances publiques et la préservation des équilibres financiers.
Moyen terme
L’amendement proposé dans le cadre de la réforme va permettre d’identifier le cheminement à moyen terme de l’endettement, la présentation des moyens pour atteindre l’objectif de cet endettement ainsi que ses causes et enfin établir un rapport sur le cadre budgétaire sur le moyen terme. Dans les détails, ce rapport va fournir des données sur la situation économique et ses perspectives (état des lieux et indicateurs du contexte économique national et international) ainsi que les prévisions macroéconomiques sur trois années. Il est question de définir les principales orientations de la politique générale du gouvernement et le taux d’endettement ciblé à moyen terme. Ledit rapport traitera, en outre, la stratégie de gestion des finances publiques, notamment avec le cheminement prévu de la situation financière de l’Etat à moyen terme, la planification budgétaire générale des recettes et dépenses sur trois années en plus des risques budgétaires. Il faut préciser qu’un rapport similaire avait été élaboré dans le cadre des préparatifs pour le projet de loi de Finances 2023 selon une vision préliminaire. Les responsables annoncent ainsi la couleur pour une réforme de la LOF. Il s’agira également de permettre au Parlement d’accompagner la dynamique actuelle des projets de réforme à travers l’élargissement du champ d’application des dispositions de la loi organique aux établissements publics et le renforcement des principes et règles financiers, avait ajouté le ministre délégué en charge du budget. Et de souligner que l’élaboration de cet amendement est guidée par une approche participative basée sur la coordination interne au niveau du ministère de l’économie et des finances, ainsi que sur l’ouverture sur les partenaires et les expériences internationales. Les propositions de révision de cette loi incluent notamment l’élargissement du champ d’application de la loi organique N°130.13 relative à la loi de Finances aux établissements publics exerçant une activité non commerciale, de façon à s’harmoniser avec les pratiques internationales en matière de contrôle parlementaire, a relevé M. Lekjaa. Cet amendement s’impose aussi en vue de soumettre la gestion des budgets de ces établissements aux principes et règles émanant de la loi organique, particulièrement en matière de rationalisation des dépenses, de transparence et d’efficacité des performances, ainsi que pour fournir au Parlement les données relatives aux ressources et aux dépenses.
Règle d’or
Figure aussi parmi les dispositions phares l’introduction d’une exception relative à la règle d’or budgétaire. Il s’agit d’une exception à l’engagement à la règle émanant de l’article 20 de la loi organique des Finances et l’adoption de dispositions qui conditionnent l’activation de cette exception dans un contexte économique et/ou social exceptionnel. La réforme de la loi organique repose également sur l’encadrement de la procédure d’examen et de vote du projet de la loi de Finances rectificative (PLFR), en réduisant les délais d’examen et de vote de 15 à 5 jours, et lequel devra être accompagné d’une note de présentation précisant les raisons qui justifient le recours au PLFR, ainsi que les principales modifications introduites. Elle prévoit également de consacrer la compétence exclusive des commissions des finances au Parlement pour étudier et voter le projet de la loi de Finances tel qu’il a été modifié, et pour fixer la nature des amendements déposés. La réforme de la loi organique relative à la loi de Finances constitue un outil important pour renforcer le rôle de la loi de Finances en tant qu’outil essentiel pour réaliser le développement et mettre en œuvre les politiques publiques, la mise à niveau de la qualité des services publics et renforcer la responsabilité des gestionnaires, ainsi que l’amélioration de l’équilibre financier et le renforcement de la transparence des finances publiques, a souligné le président de la Chambre des représentants, Rachid Talbi Alami, dans un discours prononcé lors de cette réunion.
Evaluation
M. Talbi Alami a expliqué que cette réunion d’étude intervient après l’achèvement de la mise en œuvre de l’ensemble des dispositions de la loi organique N°130-13 relative à la loi de Finances selon le calendrier prévisionnel, puisque les deux Chambres du Parlement ont jusqu’à présent approuvé 8 projets de loi de Finances, 4 projets de loi de liquidation des lois de Finances et un PLFR. Il a estimé que ce cumul est suffisant pour évaluer la loi organique relative à la LF actuelle afin de surmonter certains des problèmes et permettre l’efficacité nécessaire à la LF. De leur côté, les députés des deux Chambres du Parlement participant à cette réunion ont considéré que cette dernière constitue une opportunité pour approfondir le débat sur la réforme de la loi organique relative à la LF, afin de renforcer l’efficacité de l’évaluation et de la gestion des politiques publiques, soulignant que ce texte réglementaire comprend des dispositions qui servent de soupape de sécurité pour l’économie nationale. Ils ont en outre mis en évidence la nécessité d’inclure des mécanismes plus efficaces pour activer les budgets sensibles au genre, appelant à adopter des dispositions visant à représenter clairement ce principe selon des normes mesurables et à renforcer les capacités des femmes dans tous les domaines. Les interventions des députés et conseillers ont par ailleurs porté sur la modification du délai proposé pour l’étude et le vote du PLF. Ils ont recommandé de maintenir le calendrier actuellement en vigueur au lieu de le réduire, notamment en ce qui concerne la discussion de la loi de liquidation.
Législation : La loi organique n°130-13 relative à la loi de Finances avait fourni ainsi un cadre législatif pour consacrer les différentes mesures entreprises au cours de ces dernières années dans le cadre de la modernisation de la gestion des finances publiques. Cette loi organique qui définit de nouvelles règles budgétaires et comptables consacre les principes de reddition des comptes et d’évaluation, élargit le droit d’amendement parlementaire et participe au renforcement de la transparence budgétaire. Selon le ministère des finances, «la LOF représente une mutation des processus de la gestion financière publique et une évolution importante dans les pratiques budgétaires de l’administration publique marocaine, non seulement en raison des changements des règles législatives mais aussi parce que la mise en œuvre de la LOF modifie profondément les pratiques et les comportements». Pour la mise en œuvre de la loi organique relative à la loi de Finances, le Maroc avait opté pour une démarche progressive qui tient compte des capacités des gestionnaires et qui permet, d’une part, d’assurer une transition souple vers les nouvelles dispositions édictées par la LOF et d’autre part une meilleure appropriation des nouvelles règles budgétaires et une appréhension des nouveaux modes de gestion publique. Entrée en vigueur à partir du 1er janvier 2016, la mise en œuvre de la LOF a été étalée sur une période de cinq ans.