Il est facile de crier au scandale. Il est aisé de mobiliser une opinion publique contre un ennemi étranger. Mais il est difficile, voire périlleux, de vouloir à tout prix s’innocenter et incriminer l’autre pour de basses raisons. C’est ce à quoi semble jouer le lobby des militaires espagnols au sujet de l’immigration clandestine.
A chaque fois qu’une interception de clandestins a lieu, à chaque fois qu’un problème se pose au niveau de la permissivité des frontières, les militaires espagnols montent au créneau pour s’attaquer au Maroc, pays de passage des immigrés subsahariens, mais aussi pourvoyeur de clandestins. On aurait aimé que les griefs et les remontrances des généraux et de leurs sbires de la Guardia civile soient motivées par l’intérêt de leur pays et leur volonté annoncée de raffermir les relations bilatérales.
Ce n’est ni leur objectif, ni leur vision des choses, encore moins leur finalité. Leurs visées sont totalement contraires à ce qu’ils avancent. C’est que depuis toujours, les militaires espagnols, les résidus du franquisme, font fortune avec tout ce qui est illégal. Et pour eux, le trafic de drogue, le proxénétisme, la prostitution des immigrées et surtout l’immigration clandestine sont du pain béni.
Une question qui tombe sous le sens : comment se fait-il que des milliers de clandestins vivent en Espagne sans qu’il y ait des complicités quelque part ? Et les complicités, c’est justement au niveau de l’armée et des gardes côtes que cela existe. Et pour cause. Il est connu que les fermes dans lesquelles sont entassés les employés au noir, les immigrés clandestins et les repris de justice, sont ou bien la propriété des généraux ou bien ces derniers en protègent les propriétaires. Cela contre des commissions sonnantes et trébuchantes généralement transférés dans des comptes bancaires dans un des paradis fiscaux.
En contrepartie, le clandestin qui n’a aucune existence légale en Espagne, qui ne peut vivre en plein jour, n’a aucune possibilité de réclamer quoi que ce soit, ne peut se prévaloir d’aucun droit, sauf celui de se taire et d’accepter ce que les propriétaires des fermes ou des fabriques et leurs protecteurs daignent lui donner. Les généraux de Madrid n’ont pas à venir verser des larmes de crocodiles sur le sort des immigrés clandestins. Ils en sont les premiers récipiendaires et les grands bénéficiaires de cette traite qui se déroule au vu et au su de tout le monde. L’histoire de l’ile de Gorée au large de Dakar, ancien point d’embarquement des ‘’négriers » vers les Amériques, avant l’abolition de l’esclavagisme se réécrit en couleurs aux portes de l’Europe civilisée, avec pour meneurs des galonnés espagnols.