Le processus de libéralisation de la farine, véritable denrée de base au Maroc s’il en est vraiment une, s’est opérée vite, trop vite d’après ceux qui suivent les évolutions du secteur. Supression de la subvention des farines et des semoules de blé dur, en 1982, autorisation des minoteries industrielles à céréales secondaires à écraser le blé dur, en 1985, libéralisation des prix intérieurs de céréales autre que le blé tendre deux ans plus tard, puis, après une énième révision du calcul de la subvention, le grand virage de 1996. A cette date, deux mesures importantes sont prises en application de la loi 13/89 sur le commerce extérieur et surtout la fameuse loi relative au marché des céréales et légumineuses. De l’avis des minotiers, le virage de 1996 n’a rien règlé, n’ayant même pas pu allèger l’ardoise de l’Etat consacrée à la compensation. D’après Abdellatif Guedira, directeur de l’ONICL (Offce National Interprofessionnel de Céréales et Légumineuses), régulateur du marché, le système absorbe annuellement 2 milliards de dirhams pour les 10 millions de quintaux représentant la consommation du pays. Ces frais se répartissent entre les compensation sur les différences de prix, le stockage…etc. C’est indispensable pour maintenir les prix de la farine nationale de blé tendre accessibles aux couches défavorisées. Même dysfonctionnement pour la farine de luxe libéralisée totalement mais avec un prix de référence qui ne fait le jeu de personne. Aujourd’hui l’APM (l’Association professionnelle des minoteries) que présidait Ghali Sebti jusqu’à l’éclatement de l’affaire des minotiers en 2000, est remplacée par la FNM (Fédération Nationale des minotiers), mais les problèmes restent en suspens. Car d’un autre côté, les importations ne se portent pas bien. La modernisation des circuits des céréales tarde toujours à donner du concret. Pour la FNCL (Fédération Nationale des Céréales et Légumineuses), toute la filière doit être revue en amont et en aval. Lors d’une entrevue avec ALM, Bouchaib El Haddaj, directeur de la FNCL, avait confié qu’il était favorable à une subvention à travers un redéploiement de la subvention accordée à la farine nationale (FNBT) —dont tout le monde reconnaît qu’elle n’atteint pas sa cible. C’est une procédure complexe. Toute réforme passe d’abord par la révision du système des équivalents tarifaires en vigueur depuis des lustres. Très attentif, le ministère est forcé d’agir car, à l’aval, c’est le prix de la baguette de pain qui est désormais menacé. Les boulangers, qui disent subir une répercussion de 15 DH sur le quintal de farine, demandent des hausses de prix. Des négociations sont en cours actuellement avec les autorités concernées pour trouver un terrain d’entente. La baisse des droits de douane intervenue en novembre était faite à coup, pour garantir un bon approvisionnement du marché national. De son côté, sous la pression des professionnels, le ministère des Affaires générales avait promis de revoir les prix de la farine subventionnée. C’est dire qu’avec le système actuel, l’équilibre est fragile. Les prix plafonds, dépassés selon les opérateurs, devront certainement être revus. L’option libéralisation totale semble pour le moment exclue, puisque, comme le commente un cadre de l’ONICL , les quelques ébauches de réformes engagées jusque-là n’ont pas pu être absorbées.