Abdelilah Benkirane soulève de nouveau le tollé. Evoquant le projet de la nouvelle Constitution, le secrétaire général du Parti de la justice et du développement (PJD) a fait une sortie médiatique qui a suscité la polémique. Le chef du parti islamiste a menacé, lundi 13 juin, de voter contre la future Constitution si elle prévoit la «liberté de croyance». Il a dit, dans une déclaration à l’AFP, que la reconnaissance de cette liberté par le nouveau texte constitutionnel «aura des conséquences néfastes sur l’identité islamique du Maroc». «On n’est pas contre la liberté de croyance, mais nous craignons les conséquences néfastes de cette disposition sur notre identité islamique», a-t-il déclaré. «Que signifie liberté de croyance? Qu’on permette à certains laïcs de rompre publiquement le jeûne pendant le Ramadan? Que la liberté sexuelle et l’homosexualité soit banalisée et publique?», s’est interrogé M. Benkirane. «On n’est pas contre la liberté de croyance, mais le Maroc est un pays musulman qui a ses lois. En France, ils interdisent le voile intégral au nom de la loi. Nous sommes tout à fait capables d’appeler à voter contre cette future Constitution», a-t-il souligné. A noter que le projet final de la nouvelle Constitution n’a pas encore été rendu public. Mohamed Moâtassim, conseiller de SM le Roi, est appelé dans un premier temps à procéder à des concertations et à des échanges de vues avec les chefs des partis politiques et des centrales syndicales au sujet du projet de la Constitution avant toute autre démarche. Le fait que le PJD monte au créneau sur la liberté de croyance a suscité la réaction de plusieurs observateurs et acteurs de la société civile. Dans des réactions recueillies par ALM, ces derniers rejettent les déclarations de Benkirane les qualifiant de contraires aux principes de la religion musulmane et à la culture des droits de l’Homme. «Ces gens utilisent la religion pour s’en prendre à toute idée innovatrice et moderniste conforme aux valeurs et principes des droits de l’Homme», précise Khadija Rouissi, présidente de Bayt Al Hikma (Voir entretien ci-dessous). «La déclaration de Benkirane relève une contradiction flagrante. On ne peut pas dire qu’on respecte les droits de l’Homme et chercher à apporter une restriction à la liberté de croyance. Les propos de Benkirane montrent que le PJD est un parti religieux et non pas politique. Les déclarations du PJD vont dans le sens de l’instauration d’un Etat religieux à l’image des Talibans en Afghanistan et non pas un Etat civil. Car l’Etat civil n’impose pas à ses citoyens des contraintes en matière de la liberté de culte», précise, pour sa part, l’islamologue Saïd Elakhal. «Le problème avec cette déclaration de Benkirane c’est qu’il faut tout d’abord déterminer le sens de la liberté de croyance. Si cette liberté concerne les musulmans, nous refusons catégoriquement qu’un musulman marocain change de religion, car cela constitue un refus de la monarchie. Mais, si cette liberté est destinée aux non-musulmans, sur ce point on n’a pas de problème car l’Islam garantit la liberté de culte aux non-musulmans vivant en terre d’Islam», souligne Abdelbari Zemzmi, prédicateur et membre du Parti du renouveau et de la Vertu (PRV). Et d’ajouter que «il faut toujours négliger les sorties médiatiques de Abdelilah Benkirane car il s’agit d’une personne qui prend des décisions hâtives». «Je ne peux pas commenter les propos de Benkirane car la nouvelle Constitution n’a pas encore été rendue publique. D’ailleurs, ce point concernant la liberté de croyance ne figure pas dans le nouveau texte. C’est Nabil Benabdellah, secrétaire général du PPS et des membres de l’USFP, qui me l’ont confirmé. C’est juste que le projet de la Constitution comporte une reconnaissance de la minorité juive au Maroc», indique Najib Chawki, membre de l’Association MALI. «Normalement, la nouvelle Constitution doit prévoir la liberté de croyance. Le caractère démocratique d’un système politique dépend de la garantie de ce droit fondamental», ajoute-t-il.