Nabil Benabdallah, ministre de la Communication et porte-parole du gouvernement, a fait l’objet de menaces de mort de la part d’un groupe islamiste qui fait de plus en plus parler de lui ces derniers jours.
Samedi 5 novembre 2005, soit la veille de la marche nationale de Casablanca pour demander la libération des deux otages marocains en Irak, les journalistes de «Bayane Al Youm» ont été surpris par un message électronique reçu le même jour sous forme d’un communiqué. Ce dernier porte la signature de la cellule de communication de la « Jamaâ islamique pour l’unicité et le jihad au Maroc » et sert, dans une terrible littérature, de graves propos au sujet des deux otages marocains enlevés en Irak par Al Qaïda et condamnés à mort par le «tribunal» des adeptes de Zarqaoui.
Dans ce communiqué, il est écrit que la Jamaâ a accueilli avec joie la condamnation à mort des deux otages marocains par les « frères moujahidine en Mésopotamie ». Le communiqué pousse la cruauté jusqu’à lister une série de « justifications » à la décision d’Al Qaïda reprenant les éléments de la littérature chère aux amis de Ben Laden. A savoir que El Mouhafidi et Boualem « ont rejoint le clan des apostats sous le drapeau d’un gouvernement vendu qui n’applique pas les lois divines (…) », et que ce gouvernement est acquis au gouvernement irakien « apostat désigné par les croisés envahisseurs (…) pour mieux combattre l’Islam ».
Le communiqué s’attaque par la suite à Nabil Benabdallah à propos de sa réaction à la décision de mise à mort des deux Marocains par les terroristes d’Al Qaïda. Dans le même lot, on retrouve des termes d’une extrême dureté contre Simon Lévy, mais aussi Mohamed Yecef du Conseil supérieur des oulémas du Maroc pour la réaction de cette dernière instance à la décision de la branche d’Al Qaïda en Irak. A tous, est reproché, pêle-mêle, de ne pas avoir réagi aux scandales de la prison d’Abu Ghraib, à l’assassinat de Cheikh Yassine (Hamas)…
Après moult imprécations, la «Jamaâ islamique pour l’unicité et le jihad au Maroc» conclut en promettant «une guerre sans merci au Maroc contre les impies et les apostats jusqu’à ce que ce pays soit nettoyé (…) de son gouvernement impie et de tous les laïcs quelles qu’en soient les orientations». Car, pour la «Jamaâ islamique pour l’unicité et le jihad au Maroc», «l’impiété est une seule religion et combattre les apostats passe d’abord en premier». autrement dit, ce sont tous les Marocains qui ne seraient pas sur la même «longueur d’onde» que la «Jamaâ islamique pour l’unicité et le jihad au Maroc» qui sont visés: responsables gouvernementaux, adhérents des partis, simples citoyens y compris les deux ressortissants privés de liberté (et menacés de l’être de la vie) par une bande criminelle.
Contacté par ALM pour l’interroger sur sa réaction à ce communiqué qui le vise en premier, Nabil Benabdallah a affirmé ne pas faire «attention à ce genre de balivernes».
Ce communiqué de la «Jamaâ islamique pour l’unicité et le jihad au Maroc» n’est pas le premier du genre. Le chercheur Saïd Lakhal, collaborateur du journal «Al Ahdath Al Maghribiya» a fait l’objet de menaces de mort par la même Jamaâ. Le chercheur et enseignant a même fait l’objet d’une fatwa de mise à mort pour ses idées jugées «éloignées de l’Islam» par la «Jamaâ islamique pour l’unicité et le jihad au Maroc». Une petite comparaison du style des deux lettres de menaces permet de dire qu’il s’agit de la même provenance et de ou des mêmes personnes. D’ailleurs, le contenu de ce communiqué, par la virulence de son ton et une série de termes précis qui y sont utilisés, rappelle les fameuses sorties de Aymane Zawahiri et autres « cadres » d’Al Qaïda qui ont fait le « bonheur » des chaînes satellitaires et des dizaines de sites Internet que ce soit pour promettre feu et sang à tel pays ou pour annoncer la décision de mise à mort de tel otage.
Le communiqué reçu par nos confrères de « Bayane Al Youm » porte la signature d’un certain Abou Mohamed Al Maghribi. Actuellement, il est largement diffusé sur Internet via plusieurs forums et notamment un lieu de rendez-vous pour les intégristes dénommé « Forums du Paradis » (Muntadayat Al Firdaouss).
C’est aussi la première fois qu’un groupe islamiste marocain, ou se proclamant comme tel, annonce son total accord avec les ravisseurs de Boualem et El Mouhafidi. Et va même plus loin pour chercher des «justifications» dans la charia pour le terrible sort qui leur a été promis par les amis de Abou Mosaâb Zarqaoui.