Les islamistes obtiendront la majorité relative au Parlement lors des élections législatives prévues en 2007 au Maroc. C’est la principale conclusion qui se dégage du sondage réalisé par l’Institut International Républicain (IRI). Un organisme américain censé œuvrer pour la démocratisation et de la promotion des libertés publiques dans le monde.
Les résultats de ce sondage que l’opinion publique marocaine a découvert grâce à leur publication par le Journal Hebdomadaire dans son édition du 18 mars dernier laissent entendre que le Parti de la Justice et du Développement (PJD) obtiendrait 47% des voix de l’électorat marocain et se positionnerait ainsi en tête des formations politiques nationales en termes de représentativité et de popularité. Le prochain gouvernement sera donc, à en croire les spécialistes de l’IRI, formé par les amis de Saâd Eddine Al Othmani. En plus de cette grande mutation qui touchera la couleur politique de l’Exécutif marocain, le sondage américain nous apprend que des partis ou coalitions de partis verront leur poids politique s’affaiblir d’une manière exorbitante ce qui les chasserait du carré des partis les plus importants de la vie législative nationale. C’est le cas notamment de la Mouvance populaire qui, selon les résultats du sondage de l’IRI tels que relayés par le Journal Hebdomadaire, n’obtiendra que 7% des voix lors des législatives de 2007. Partant de ces résultats, on ne peut qu’accréditer l’idée qui semble prévaloir actuellement chez certains observateurs de la vie partisane marocaine à savoir que le parti islamiste a le vent en poupe et qu’il obtiendra, lors de la prochaine législature, le plus grand nombre de sièges au Parlement. Les jeux sont faits, semblent dire les Américains. Les formations nationales traditionnelles qui ont lutté pour l’indépendance du pays, les forces progressistes qui ont milité pour qu’il accède aux valeurs démocratiques universelles et les autres partis politiques toutes tendances confondues n’ont plus qu’à se résigner et céder la place aux nouveaux arrivants. C’est cela le message que veut transmettre l’Institut américain. Mais, pour quelle raison ? Quel est cet objectif si important qui pousserait un centre américain à user de tous les moyens pour accréditer l’idée du raz-de-marée islamiste en 2007 ? Car, il faut signaler que les résultats du sondage ne sont nullement conformes à la réalité politique nationale sur le terrain. Outre le fait que nul observateur avisé ne donne du crédit à l’idée de l’obtention par le PJD d’une majorité relative soit-elle ou absolue au scrutin de 2007, une analyse de la méthodologie et des résultats du sondage américain révèle que les conclusions sont carrément tirées par les cheveux.
D’abord, la procédure, elle-même, a été faussée dès le départ. Les sondeurs de l’institut républicain ont exclu une vingtaine de partis politiques nationaux au moment de l’élaboration de leur questionnaire qu’ils affirment avoir envoyé à 1500 personnes. Une démarche qui ne surprend guère, sachant que le sous-traitant des Américains au Maroc à savoir l’agence marocaine LMS-CSA avait déjà fait cela par le passé. L’on se rappelle des résultats du sondage qu’elle avait publié, la veille des élections communales du 12 septembre 2003, et qui s’étaient avérées totalement fausses. À l’époque, lesdits résultats avaient suscité une grande polémique et la plupart des partis politiques s’étaient alors élevés contre leur publication appelant à doter le Royaume d’une loi réglementant la réalisation et la publication des résultats des sondages. Une revendication qui reste toujours d’actualité. Une formation politique fortement présente dans le champ politique national comme la Mouvance populaire ne peut d’ailleurs que s’indigner face à un sondage si explicitement manipulé comme celui de l’IRI et qui ne lui attribue que 7% des intentions de vote alors qu’elle a actuellement 73 sièges à la première Chambre du Parlement et 80 à la Chambre des conseillers. Pourquoi donc s’obstiner à réduire d’une manière aussi flagrante les chances électorales du MP ?
Connaître les objectifs inavoués du sondage américain et les motivations de ses commanditaires permet de répondre à cette question. L’IRI est un institut qui ne peut nullement être taxé de légèreté dans le traitement d’affaires aussi importantes et stratégiques pour les Etats-Unis. Car, il faut convenir que ce qui préoccupe le plus, actuellement, l’administration américaine est la montée du phénomène islamiste dans le monde arabo-musulman. Et l’IRI est un institut qui a été créé par le gouvernement américain. Ce dernier le finance à travers la Fondation nationale pour la démocratie (NED, National Endowment for Dmocracy) créée par l’ancien président Ronald Reagan en 1982 pour servir d’outil de travail à la CIA. Elle compte d’ailleurs dans sa nébuleuse la fameuse organisation Freedom House qui s’active dans le monde entier sous couvert de défense de la liberté pour s’ingérer dans la vie politique nationale de certains pays. C’est le cas, aujourd’hui, en Egypte où elle prend en charge les activités du mouvement Kefaya dirigé par Ayman Nour. On la retrouve également aux côtés des frères musulmans qui, grâce à son soutien et aux pressions que l’administration américaine a exercées sur le pouvoir égyptien, ont réussi à obtenir une bonne position lors des dernières législatives.
Au Maroc, il ne faut pas être devin pour pouvoir identifier les objectifs de ladite organisation et ses alliés. À l’image de ce qui s’est passé en Egypte, elle adopte une double politique : créer et soutenir une petite minorité qui se veut moderniste et militant pour la démocratie, et aider la mouvance islamiste légalisée à obtenir une bonne place au législatif en utilisant tous les moyens disponibles dont la propagande. Et c’est dans ce cadre qu’entre le soutien à une certaine presse nihiliste qui s’auto-érige en l’unique pôle de revendication de la démocratie ainsi que le soutien aux mouvements islamistes le PJD et Al Adl Wal Ihssane.
Cette stratégie qui semble être contradictoire pour certains observateurs -combattre l’intégrisme et soutenir l’islamisme- ne l’est pas pour d’autres. Il est clair que l’objectif poursuivi par l’administration américaine à travers, notamment, cette nébuleuse d’organisations de diplomatie parallèle est de pousser les islamistes à arriver le plus rapidement possible au pouvoir afin de révéler l’échec de leur mode de gestion des affaires publiques. Le Maroc et l’Egypte sont ainsi des pays qui servent de laboratoire pour l’administration américaine. Les cobayes étant, respectivement, les islamistes du PJD et les frères musulmans.
Cela dit, la question qui se pose est de savoir si le PJD acceptera-t-il, lui qui prétend "combattre l’impérialisme américain", de se laisser utiliser comme un rat de laboratoire par des entités aux objectifs douteux. L’avenir finira par tout révéler.