ALM : Quelles sont les conditions d’accès d’avions au Maroc et quels sont les moyens de contrôles dont le pays dispose pour éviter à ce que des scénarios tragiques, comme celui de l’Egypte, n’aient pas lieu chez nous?
Mohamed Moufid : Il faut tout d’abord distinguer entre les avions immatriculés au Maroc et ceux qui ne le sont pas. Dans un cas comme un autre, trois éléments sont à prendre en compte : l’avion, le pilote et l’exploitation. Ces trois composantes sont réglementées par les annexes techniques 1, 6 et 8 de la Convention de l’Organisation internationale de l’aviation civile et que les compagnies se doivent de respecter. Les avions immatriculés au Maroc doivent impérativement se soumettre aux spécifications du constructeur en matière de maintenance et aux spécifications de l’Organisation internationale de l’aviation civile en ce qui concerne le contrôle de sécurité. Les avions sont ainsi soumis à une maintenance périodique pour maintenir l’avion en position de navigabilité. Le contrôle, effectué par la Direction de l’aviation civile, est régi par un calendrier bien déterminé aussi bien sur le plan national qu’international. Un contrôle suite auquel un rapport est élaboré. En cas de décalage entre l’état dans lequel un avion doit être et ce qu’il en est en réalité, des recommandations sont formulées pour corriger les éventuelles lacunes, dans des délais déterminés. Autrement, l’avion n’est pas autorisé à naviguer.
Qu’en est-il des avions non-immatriculés au Maroc, notamment les charters ?
Pour les avions non-immatriculés au Maroc, les vols réguliers sont organisés dans le cadre des accords aériens conclus entre les pays dont les compagnies sont originaires et le Maroc et vice versa. Par exemple, les vols d’une compagnie comme Air France au Maroc sont autorisés par la France, ceux de la RAM en France par le Maroc. En ce qui concerne les vols charter, ceux-ci ne sont pas soumis à des accords techniques. Le Maroc les autorise à desservir le pays soit sur la base d’accords aériens avec leurs pays d’origine, soit sur celle d’une attestation de leur autorité de tutelle, stipulant que les conditions de navigation sont bel et bien remplies. Idem pour les avions et vols privés.
Il y a également, vous l’avez dit, un volet consacré aux pilotes…
Ces derniers doivent bénéficier d’une approbation de leurs programmes de formation par l’organisme de tutelle, à savoir le ministère du Transport, par un système de licence équivalente. Ils sont également sujets à des tests de contrôle périodique au même titre que les avions. Le troisième aspect est celui de l’inspection pendant les escales dans les aéroports. Une procédure qui comprend le petit entretien, la réparation, la maintenance, le nettoyage ainsi que le carburant.
En l’absence d’un organisme de régulation autonome, quelles sont les instances qui ont cette responsabilité au Maroc ?
Au niveau du Maroc, c’est la Royal Air Maroc, à travers sa direction technique, et la direction de l’Aviation civile qui sont chargées de veiller au respect de ces conditions. Ceci, à l’exception des vols privés qui ont été délégués à l’Office national des aéroports (ONDA). L’Administration dispose d’une Division de la Sécurité aéronautique, qui supervise les inspections, et d’une Inspection de l’aéronautique qui effectue ces inspections. Le tout est breveté par le Bureau Veritas qui vérifie la conformité des appareils et accorde des certificats de navigabilité aux avions. C’est un schéma qui existe partout dans le monde.
Le Maroc s’apprête à libéraliser le secteur aérien. Cette libéralisation, ne serait-elle pas synonyme de déréglementation ?
Au Maroc, les bases nécessaires à une libéralisation réussie et sans fâcheuses conséquences sont, en termes d’infrastructures, mises en place depuis quelques années déjà. Pour libéraliser, il faut des aéroports sûrs, un espace aérien sûr, un système de maintenance reconnu, une loi sur la concurrence, une liberté de change. Il faut également libéraliser le transport terrestre pour faciliter le transport de colis… Et qu’il s’agisse de la réglementation, des organismes de supervision ou des ressources humaines capables de relever ce défi, il faut admettre que beaucoup de chemin a été parcouru, et cela, depuis les années 96-97. D’ailleurs, les efforts du Maroc en matière de sécurité aéronautique ont été félicités à cette date par l’Autorité fédérale américaine d’aviation. Il faut, à cet égard, se rappeler que la RAM a été la première compagnie non-américaine à être agréée à desservir New York après le 11 septembre. Ces résultats ont été obtenus par des hommes qui sont maintenant oubliés. Pourtant, leur expérience et savoir peuvent être d’un apport capital au secteur, même à titre de consultant bénévole.
A votre avis, que reste-t-il à faire?
La libéralisation dans le sens de l’Open sky ne comprend pas que l’aspect aviation. Déjà en mars 2003, le Maroc, et suivant les échéances que le gouvernement s’était fixées, était en mesure de conclure des accords avec d’autres pays. D’ailleurs, un accord avec les USA avait été conclu en 2000. Mais son entrée en vigueur n’a été rendue possible qu’en 2003, en attendant notamment que la Loi sur la concurrence soit adoptée au Maroc en 2001 et que la libéralisation du transport de marchandises soit effective en 2003. La libéralisation doit s’accompagner impérativement d’un renforcement du rôle de l’autorité de régulation. Libéraliser, oui, mais il faut au préalable savoir comment libéraliser, de façon à faire respecter les règles de sécurité, mais aussi de manière à attirer les autres compagnies. Tout l’arsenal nécessaire à la libéralisation du secteur est installé, mais beaucoup reste à faire. A commencer par cette question de monopole que la RAM est accusée d’avoir sur le secteur. Il faut à cet égard préciser que, sur le terrain, la RAM n’est pas la seule compagnie sur le marché. Entre 20 et 30 compagnies qui desservent le Maroc en vols réguliers. Selon les saisons, 50 à 60 compagnies charter desservent le Maroc. A cela s’ajoutent les avions privés, appartenant soit à des sociétés, des personnes morales, soit à des personnes physiques. D’autant que la compagnie nationale doit voler de ses propres ailes. Il suffit pour cela le libérer la RAM de l’obligation de service public qui lui fait accuser un énorme déficit.