Lundi, la boucle a été bouclée. Après la Tunisie en avril 2002 et le Pakistan en mai, l’Indonésie, le Koweït et le Yémen en octobre, c’est au tour de l’Afrique orientale d’être victime d’Al-Qaïda qui a revendiqué l’attaque de Mombasa lundi. « Avec la grâce de Dieu (..) les combattants ont assené des coups et mené (..) deux opérations à Mombasa contre les intérêts juifs », indiquait le message diffusé sur internet, annonçant d’autres « opérations » contre « les Juifs et les croisés ».
Le communiqué omet juste de dire que les victimes, toutes confessions confondues, sont aveuglément frappées, sans toujours savoir pourquoi. Jusqu’à présent épargnée, l’Europe est-elle la prochaine cible ? Le continent a redoublé de vigilance depuis qu’il a été nommément menacé par Ben Laden, le 12 novembre, sur la chaîne qatarie Al-Jazeeza. Interpol craint même un attentat durant la période des fêtes de fin d’année. Le 19 novembre, trois hommes ont déjà été inculpés par la justice britannique pour un projet d’attentat dans le métro londonien. Une semaine plus tard, la France a lancé une série d’opérations policières qui s’est soldée par l’arrestation d’une vingtaine de personnes dans la région parisienne. Parmi elles, un « gros poisson », le Franco-algérien Slimane Khalfaoui, proche de Rabah Kadri, ou « Toufik », un des commanditaires de l’attaque dans le métro… Illustration parfaite des liens et des réseaux internationaux tissés entre les différentes cellules terroristes, Khalfaoui est aussi soupçonné d’avoir participé au projet d’attentats à Strasbourg, dans le nord-est de la France, fin 2000. Il aurait aussi eu des liens avec un autre Algérien, Ahmed Ressam, arrêté en 1999 aux Etats-Unis avec 59 kg d’explosifs dans sa voiture. Dans ses filets, la police française a aussi ramassé Redouane Daoud, un islamiste en fuite de la maison d’arrêt de Breda au Pays-Bas depuis juin ! C’est aussi en France, dans le sud-est, que six personnes en relation l’attentat de Djerba, qui avait fait 21 morts le 11 avril en Tunisie, ont été arrêtées au début du même mois. L’Allemagne n’est pas en reste : ce sont dans les cellules d’Hambourg et de Francfort qu’ont transité la plupart des kamikazes du 11 septembre.
En Grande-Bretagne, les milieux islamistes ont quant à eux «formé» Richard Reid, le «shoe bomber» du vol Paris-Miami en décembre 2001, et Zakarias Moussaoui, le Franco-marocain arrêté en août 2001 aux Etats-Unis et accusé d’avoir participé à la préparation des attaques anti-américaines. « Techniciens » – terme utilisé pour ceux qui fournissent une aide financière et logistique -, « opérationnels » – les auteurs des attaques – ou « électrons libres » – éléments agissant sans ordre précis, capables de frapper n’importe quand et n’importe où -, ces hommes font partie d’un vaste réseau dont le fonctionnement reste encore flou. Ces combattants sont certes très mobiles, ils sont à maintes fois passés d’un pays ou d’un continent à un autre. On sait aussi qu’ils ont pour la plupart été entraînés en Afghanistan. Font-ils pour autant partie d’une organisation internationale dirigée par Oussama Ben Laden? Chaque nouvel attentat a jusqu’à présent dévoilé une multitude de groupes locaux que l’on relie à Al-Qaïda, sans pour autant avoir de preuve. Le 28 novembre, lors de la double attaque anti-israélienne à Mombasa, au Kenya, un groupe somalien, Al Itihad al Islamiya, a fait son apparition : lié à Al-Qaïda.
Lors de l’attentat de Bali qui a fait plus de 180 morts le 12 octobre, il y a eu la Jemaa Islamiyah d’Abou Bakar Bachir, proche d’Al-Qaïda. Quatre jours plus tôt, lorsque deux militaires américains ont été victimes d’attaques armées au Koweït, on a désigné un groupe local fidèle à d’Al-Qaïda. Au Yémen, le 6 octobre, l’attentat à la barque piégée contre le pétrolier français Limburg (un membre de l’équipage tué) a été revendiqué par l’Armée islamique Aden-Abyan, un groupe yéménite… proche d’Al-Qaïda ! A cela se sont ajoutées les arrestations de lieutenants présumés du réseau comme le 15 novembre, au Koweït, l’interpellation d’un responsable pour la région du Golfe. Le 3 novembre, la CIA avait aussi abattu Qaed Salim Sinan al-Harethi, un proche de Ben Laden, au Yémen… A Karachi, dans le sud du Pakistan, les enquêteurs américano-pakistanais avaient enfin arrêté, début septembre, douze membres d’Al-Qaïda dont le Yéménite Ramzi Al-Shaiba, un des commanditaires du 11 septembre. Dans ce même port, un attentat à la voiture piégée contre un autobus avait par ailleurs fait treize morts, dont onze Français, le 8 mai dernier.
Les capacités de nuisance de cette nébuleuse sont telles que depuis des mois, la question n’est plus de savoir si son chef Oussama Ben Laden est vivant, mais plutôt de savoir quelle sera sa prochaine cible.